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une telle justification. Ce renoncement à certains voyages désirés, cette restriction volontaire dans nos consommations personnelles, considérons-les comme un devoir envers notre pays et envers nos alliés. Songeons en même temps à intensifier notre production nationale ; trouvons sur notre sol des objets de remplacement, des « erzatz » diraient nos ennemis.

Quant à l’utilisation du tonnage, elle se ressent de la pratique des convois. La rotation des navires s’en trouve, avons-nous dit, très sensiblement ralentie. Sans renoncer à un système qui a réussi, nous pouvons cependant accélérer les traversées en augmentant le nombre des vaisseaux convoyeurs et en améliorant le groupement des navires, selon leur vitesse de route. C’est ce à quoi visent les plus récentes résolutions des amirautés alliées. Le chargement et le déchargement des navires dans les ports méritent d’appeler tout spécialement notre attention. L’Etat en a assumé la responsabilité en recourant à la réquisition générale de la flotte. Le moins que j’en puisse dire, c’est que le contrôle de l’utilisation du tonnage est insuffisamment exercé. Nos ports ne possèdent ni les moyens matériels, ni la main-d’œuvre nécessaires pour assurer la prompte disponibilité des navires. Ceux-ci séjournent beaucoup trop longtemps au fond des bassins et nous avons fort à faire pour en tirer un parti convenable.

Reste la grave question de la reconstitution du tonnage. La France, qui s’est entièrement consacrée à la fabrication du matériel de guerre, a cru devoir laisser exclusivement à ses alliés le soin de reconstituer le tonnage perdu. Nous sommes bien loin d’approuver cette politique de renoncement, et nous déplorons que les questions vitales touchant à l’avenir de notre marine marchande n’aient pas jusqu’ici dépassé la rampe du Palais-Bourbon. Toutefois, et pour l’objet précis qui nous occupe aujourd’hui, il est bon de constater que les chantiers navals anglais, américains, japonais, sont à même de répondre tonne pour tonne à la destruction des navires marchands. La situation dans l’ensemble est rassurante. Au 31 décembre 1917, le déficit du tonnage créé par la guerre chez les Alliés et les neutres était de 2 632 000 tonnes brutes. Dans le premier trimestre 1918, le montant des pertes et des constructions mondiales de navires est respectivement de 1 102 000 tonnes, et de 864000, soit une différence de 238 000 tonnes seulement,