Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moyenne mensuelle de 250 000 tonnes, — quelles seront les conséquences d’une telle situation eu égard aux personnes embarquées, aux cargaisons et aux navires ?

A la fin de 1917, et non compris les matelots de la flotte de guerre, environ 1 100 hommes d’équipage et 1 700 passagers militaires français avaient disparu au cours d’événements de mer. Si douloureuses que soient ces pertes, qu’on veuille bien songer que plus d’un million de soldats ont circulé dans la Méditerranée durant ce laps de temps : on conviendra que la proportion est, — relativement, — peu élevée. Or, la Méditerranée est certainement la zone où les transports souffrent le maximum de dommages. Nous venons de voir que plus d’un million d’Américains avaient pu franchir l’Atlantique en perdant seulement 291 hommes, On peut affirmer qu’à l’avenir, et à condition de prendre les précautions voulues pour le sauvetage des naufragés, nos pertes resteront faibles, et ne sauraient en aucune façon porter obstacle aux mouvements de troupes.

Pour évaluer, en second lieu, la valeur des cargaisons coulées, considérons que près de la moitié des navires naviguent en partie sur lest : on peut donc chiffrera 175 000 tonnes environ par mois la perte de cargaisons, les navires coulés se composant à la fois de cargos dont la portée en lourd est plus élevée que la jauge brute et de paquebots dont cette jauge est supérieure au poids du fret transporté. Or, c’est par plusieurs dizaines de millions de tonnes par an que se chiffre l’ensemble du trafic maritime mondial. Nous en serons quittes pour grever d’un pourcentage équivalent au taux des pertes, les matières de ravitaillement qui doivent être transportées par mer.

Tout se résout en fin de compte en un problème de tonnage qu’il s’agit de savoir économiser, utiliser et reconstituer. En France, on ne se rend pas suffisamment compte de l’intérêt national qu’il y a pour nous à restreindre nos importations ; nous devrions instituer une législation et organiser une police spéciale pour rechercher et réprimer tous les gaspillages. Il serait également nécessaire d’instaurer un système de permis d’embarquement, afin de n’autoriser le libre passage sur mer que pour ceux qui prouveraient que leur voyage répond à un besoin d’ordre public. Une grande partie des passagers qui ont été noyés sur le Balkan eussent été très en peine pour fournir