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Tant qu’il restera des sous-marins à flot, il faudra garantir le tonnage marchand contre leurs entreprises. Les mesures de protection envisagées à cet effet sont les unes autonomes, les autres extérieures au navire. Nous allons les étudier séparément.


L’ARMEMENT DE LA FLOTTE MARCHANDE

Parmi les procédés de défensive auxquels on a eu recours pour protéger cargo-boats et paquebots, celui qui a consisté à leur permettre de riposter aux attaques d’artillerie des sous-marins est, sans contredit, le plus intéressant. Là encore, nous avons eu tout à créer.

Nous n’avions pas prévu la guerre sous-marine. Hâtons-nous de dire que nous avons une excuse : c’est que les Allemands ne l’avaient pas prévue plus que nous. Une simple constatation le démontre. A l’heure de la déclaration de guerre, les Allemands ne possédaient que 28 submersibles. S’ils se fussent doutés du parti qu’ils pouvaient tirer du submersible, en tant qu’instrument de course, ce n’est pas 28, c’est 200 de ces unités qu’ils nous eussent opposées le 2 août 1914. Les conditions de la guerre eussent été, de ce fait, profondément changées à notre désavantage. Les transports de troupes d’Algérie et de l’Inde, le passage des corps d’occupation britanniques en France, les relations entre la Métropole et les Colonies, le ravitaillement des Alliés, toutes ces opérations, qui se sont accomplies librement eussent été à ce point troublées que notre résistance elle-même en eût été gravement compromise.

Ne prévoyant pas l’attaque, nous n’avions rien préparé, rien conçu pour nous en préserver. Aucune autorité compétente n’avait même envisagé l’hypothèse que les bâtiments de commerce pussent être attaqués par des sous-marins. Si d’aventure un officier, à l’ombre des platanes de la place d’Armes de Toulon, s’avisait de prédire les horreurs prochaines de la guerre sous-marine, on le traitait de visionnaire. Les commandants de sous-marins convaincus passaient pour des illuminés. Un Lord de l’Amirauté anglaise n’avait-il pas énoncé : « que la navigation sous-marine était le produit d’une imagination maladive ? » Pouvait-on admettre que des infiniment petits tentassent d’arracher aux superbes dreadnoughts la maîtrise