après cela qu’un regret, c’est qu’ils soient morts et qu’il n’y ait plus moyen de les faire souffrir… Croyez-moi : la révolution ne fait que commencer… On tuera tous les dworianines (gentilshommes). On les tuera à coups de mitrailleuses, à coups de canons, à coups de guillotine. Il s’en est sauvé un grand nombre à Kief, où la Rada (vendue aux Autrichiens) les protège : nous prendrons Kief, et nous achèverons de nettoyer la Russie.
J’apprends de lui qu’ils maintiennent un tiers des équipages sur les navires de guerre, — auxquels ils laissent tous leurs canons et toutes leurs munitions, pour ne pas diminuer leur valeur militaire. — Les deux autres tiers sont employés pour la guerre civile.
— Sans les matelots, nous n’aurions rien pu faire. Voilà de braves bougres ! Savez-vous que nous avons pris à Kerensky, — la canaille ! il m’a tenu trois mois en prison : qu’il soit maudit ! — six auto-mitrailleuses, rien qu’avec cent matelots ?
— Tous mes compliments. Et comment vous y êtes-vous pris pour cette belle opération ?
— C’étaient des autos qu’on faisait marcher contre nous dans les rues de Petrograd : elles étaient fermées par le haut pour qu’on ne pût tirer des fenêtres des maisons dans l’intérieur. Mes hommes rampèrent jusqu’à une voiture dont les occupants, à cause de cette disposition, ne pouvaient rien voir. Ils se hissèrent sur le toit. L’un d’eux arracha une mitrailleuse, tandis que par la brèche un autre tuait l’équipage à coups de revolver… La première auto prise nous a servi à prendre les autres ; et je vous jure qu’ils ne les ont jamais revues… N’est-ce pas que, pour une petite bande de cent hommes, ce n’était pas trop mal ?
— Après de pareils coups de main, j’imagine que vous distribuez des croix, des décorations…
— Des décorations ? C’était bon pour l’ancien régime. Nous, c’est pour la liberté que nous nous battons. Et contre les contre-révolutionnaires, nous nous battrons comme des diables. Jamais plus aucun de nous ne voudra consentir à retomber sous l’ancienne discipline… Mais il faut que je vous raconte encore ce que nous avons fait à Belgorod. Les Cadets s’y étaient fortifiés en grand nombre. Des mitrailleuses partout, sur les