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le 30 mai 1916 : il fut exécuté depuis continûment et fermement. Faut-il croire qu’il marque le terme de l’évolution ? C’est peu probable. De plus en plus, il faudra chercher la grande portée, la puissance et le poids des projectiles. D’autre part, c’est un problème que de découvrir, pour l’artillerie lourde à grande puissance, un mode de transport qui permette de réduire l’usage de la voie ferrée et des « épis, » si malaisés à camoufler. Le problème est-il résolu ? S’il l’est ou non, les batailles en cours l’ont sans doute déjà dit aux Allemands.


V. — L’EMPLOI DE L’ARME

Ce développement énorme des matériels en nombre et en puissance fut fonction des exigences croissantes de la guerre de position. De part et d’autre, à mesure que les organisations défensives se renforçaient, on reconnut qu’il ne devait plus suffire à l’artillerie de s’attaquer aux obstacles superficiels qui peuvent arrêter l’infanterie, réseaux de fils de fer, tranchées, réduits, abris de mitrailleuses, batteries rapprochées ; qu’il lui fallait aussi atteindre les défenseurs au fond de sapes et de casemates blindées ou bétonnées, tout au moins les y maintenir emmurés jusqu’à l’instant où les vagues d’assaut les encercleraient ; qu’il fallait encore que l’artillerie protégeât ces vagues d’assaut par des barrages mobiles. De plus, il fallut s’attaquer non plus seulement aux premières positions, mais aux secondes, aux troisièmes, aux quatrièmes ; et, pour empêcher les relèves, l’arrivée des renforts, des vivres, des munitions, tirer au loin sur les voies d’accès, battre une zone de plus en plus profonde.

Ce fut une révolution totale dans les caractéristiques des feux de l’artillerie. Tandis qu’il était admis avant la guerre que l’artillerie ne tire qu’exceptionnellement au-delà de quatre kilomètres, elle s’attaque aujourd’hui, réglée comme elle l’est par les ballons et les avions, à des objectifs lointains, invisibles de tous les observatoires terrestres, et son tir utilise fréquemment toute la portée des pièces. — Tandis qu’il était admis avant la guerre qu’il lui suffisait d’ « arroser » les positions ennemies, aujourd’hui elle les « pilonne, » et le tir, de destruction, jadis exceptionnel, s’est fait quotidien. — Tandis qu’il était admis avant la guerre qu’il fallait presque renoncer