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durable : aussi n’y aura-t-il point de paix de conquêtes. » Renonciation, déception, équivalent d’une défaite pour l’Entente ; mais non pour la continente Allemagne, « dont le gouvernement est resté fidèle à la parole impériale. » Nous, Allemands, « ce ne sont pas des pensées de conquête qui nous poussent. » Toutefois, distinguons. Il y a l’Orient et il y a l’Occident. En Orient, l’Allemagne ne pouvait rien pour empêcher la désagrégation de l’Empire russe, mais il est évident qu’elle n’a aucun intérêt à voir se reconstituer sur ses frontières un puissant État qui la gênerait. Elle entend donc profiter à perpétuité de l’heureux hasard qui l’en a débarrassée. « À l’Est, il y a la paix ; la paix continue, que cela plaise ou non à nos ennemis. » Si c’est convenu, on peut « causer. »

« Pour le reste, la situation territoriale d’avant-guerre peut être rétablie partout. » L’Allemagne n’y met, pour elle et pour ses alliés, qu’une condition préalable, qui est qu’ils retrouveront, colonies comprises, tous leurs territoires de 1914. Cela, c’est ce qu’ils auront ou ce qu’on leur rendra ; quant à ce qu’ils rendront, quand et comment ils le rendront, c’est une autre affaire. « Nous, Allemands, nous pouvons, dès que la paix sera signée, évacuer les territoires occupés ; nous pouvons même (si le statu quo ante bellum est territorialement tout à fait rétabli et dans ce cas seulement) évacuer la Belgique, avec laquelle d’ailleurs nous traiterons de nos intérêts économiques, parallèles sur beaucoup de points. Tout en évacuant militairement la Belgique, nous ne l’évacuerons pourtant pas politiquement ; car il y a « l’hinterland belge » et, à l’intérieur même du royaume, il y a la question flamande, porte ouverte à l’ingérence allemande, au titre de la tutelle qu’elle exerce sur toute famille de race germanique. L’Allemagne réclame de la Belgique « la sagesse et la justice. » Elle s’estime en droit et en posture de les exiger. « C’est une hypocrisie de présenter la Belgique, pour ainsi dire, en habits blancs de l’innocence, comme une innocente victime de notre politique. » Le sang qui a coulé était-il donc si pur ? C’est l’Allemagne, au contraire, qui a failli être victime de la politique belge,’complice de la tentative d’encerclement qu’avait méditée l’Angleterre.

Et M. de Payer en arrive par-là au chapitre des indemnités. Là-dessus, il veut être généreux. Y a-t-il lieu, de part ou d’autre, à une indemnité de guerre ? Pas de la part de l’Allemagne, à coup sûr. « Si on nous avait laissés tranquillement aller à notre travail, il n’y aurait pas eu de guerre et pas de dégâts. » Mais si l’Allemagne ne doit rien, 0 se pourrait bien qu’on lui dût. « Nous sommes fondés à