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détendent, au plus près, Douai et Cambrai contre la marche monstrueuse des tanks. Et voici que, tout justement où le flot battait depuis 1914, un mouvement de reflux se dessine qui, aussi bien que les incendies partout observés en arrière, trahit les craintes germaniques. La capitale du pays noir, le centre du centre minier, Lens paraît abandonnée.

Est-ce le recul sur l’Escaut, sur la -Serre, sur l’Aisne haute ou sur la Meuse qui s’amorce ainsi pour être exécuté plus tranquillement dans la saison des pluies, quand la boue rend les poursuites difficiles? Trop tard derrière cette ligne lointaine elle-même, sur la rive droite de la Meuse et jusqu’à la Moselle, retentissent soudain les hourras de la victoire américaine. Un communiqué du général Pershing, — un seul, et d’une concision laconique, — nous a appris que les divisions américaines, appuyées par quelques-unes de nos vieilles troupes coloniales, se sont rejointes, de l’Ouest au Sud des Hauts-de-Meuse, et que, sous cette pression, la fameuse « hernie » de Saint-Mihiel s’est trouvée réduite. Ludendorff a beau jeu d’arguer qu’il en projetait l’évacuation « depuis des années; » la tête de pont que, depuis ces mêmes années, il gardait sur la rive gauche de la Meuse, il ne l’a plus. C’en est fini, en outre, de ce demi-cercle, qu’il avait bien espéré pousser jusqu’au cercle pour y enfermer Verdun : la trouée de Spada est bouchée, le promontoire d’Hattonchatel et le bastion de Thiaucourt sont nôtres. Le nouveau front laisse loin derrière lui les lieux sanglants des Éparges, d’Apremont, du Bois-des-Chevaliers et du Bois-le-Prêtre. Une indication du communiqué ennemi, le nom de Saint-Hilaire apparu dans un communiqué américain, des indiscrétions tolérées par la censure, autorisent à penser que, plus au Nord, le front n’est pas resté immobile non plus, et que nos troupes de Douaumont et de Vaux sont redescendues vers cette plaine de Woëvre que nous avions dû céder en mars 1916, alors qu’auparavant notre front s’étendait jusqu’aux abords de Gussain-ville-sur-1’Orne et de Fresnes.

Il n’appartient à personne d’essayer de deviner quel développement le maréchal Foch entend donner à cette magnifique opération; s’il frappera un autre coup ici, ou un troisième ailleurs. Jusqu’à présent, seul le communiqué de l’État-major impérial a mentionné la route d’Etain; mais la carte enseigne que cette route bifurque d’Étain vers Briey et vers Metz; le bruit nous revient, de source allemande, que les forts extérieurs de la colossale place lorraine sont continuellement bombardés, et l’ennemi ne peut pas, en tout cas, ne