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S’il n’y a pas à se dissimuler que les dangers de la réforme seront à l’avenir plus grands encore qu’ils n’auraient été dans le passé, parce qu’elle portera sur des chiffres plus considérables, et sur une matière imposable plus éprouvée, la guerre nous fait toutefois accepter plus aisément les bases nouvelles du droit fiscal. Demain, la face du monde sera si changée, les conditions de vie se trouveront si troublées, tant de graves problèmes auront surgi, qu’on résistera moins à des nouveautés dont l’importance paraîtra sans doute atténuée. Et dès maintenant les besoins du Trésor ne sont-ils pas tels qu’on doive céder de meilleure grâce aux exigences du fisc ? En d’autres temps, les craintes, trop fondées, hélas ! du gaspillage électoral ont pu suffire à justifier bien des oppositions aux nouveaux impôts ; ces craintes, on ne peut dire qu’elles aient disparu, mais que pèsent-elles devant la nécessité primordiale de faire Face aux charges de la dette ? Enfin on juge aujourd’hui les choses plus froidement, plus objectivement, et on comprend mieux que la valeur, bonne ou mauvaise, des grands principes de la fiscalité nouvelle est à la vérité toute relative.

Personnalité de l’impôt : quels que soient les mérites éventuels d’une fiscalité qui veut s’adapter à la situation personnelle de chacun, il est clair que toute sa valeur dépendra de celle de la déclaration qui en fait la base. Cette déclaration, il la faut, pour l’égalité, obligatoire. Il la faut de plus contrôlée, et rigoureusement, si l’on ne veut que chacun soit libre de ne payer que ce qui lui plaît, et qu’on n’ait abouti qu’à faire un impôt « sur les consciences, » selon le mot de Stuart Mill, un impôt que les honnêtes gens paieront pour les autres. Ainsi, dès qu’on sort des signes extérieurs, on va, hors le cas des forfaits spéciaux, à l’un de ces deux écueils, la fraude ou l’inquisition. En fait, la fraude existe en Angleterre ; on a pu dire que l’income tax avait rendu l’Angleterre menteuse. Elle est énorme en Italie, où M. Nitti constatait en 1905 que la moitié du revenu national échappait à l’impôt direct. L’inquisition est redoutable en Suisse. M. le professeur Seligman, de Columbia Collège, assure qu’il faut un corps administratif « admirable » pour appliquer l’impôt sur le revenu. La déclaration ne comporte par elle-même, comme procédé de détermination du revenu, aucune vertu essentielle d’équité. Elle donnera de bons résultats, ou elle en donnera de mauvais, selon l’application qui en