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édifice posé sur des fondations bien légères, et qu’il faudra consolider, si l’on veut, comme il parait, charger encore la construction dans l’avenir.

Aussi bien, cette ténuité d’assise est-elle révélatrice du vrai caractère de notre nouvel impôt global sur le revenu : impôt complémentaire, il a pour fonction d’organiser en grand la progressivité dans l’ensemble de notre système direct, au-dessus des cédulaires dont la graduation, ne résultant que des exonérations de base, reste peu prononcée. S’il touche aux petits revenus, ce n’est que pour le principe ; son objet véritable est d’instituer la progression, sur les autres. — Et c’est en quoi son rôle peut être rapproché de celui que joue chez nos voisins la supertax dans le mécanisme général de l’income tax. On sait qu’à l’income tax, qui est en Angleterre. le seul grand impôt direct annuel, et qui de ce chef a aujourd’hui pour pendant chez nous l’ensemble de notre système global et cédulaire, s’est ajoutée, il y a une dizaine d’années, une sorte d’annexé, la supertax, imaginée par M. Lloyd George pour frapper, par une surcharge graduée, les gros revenus (aujourd’hui les revenus de plus de 75 000 francs) ; le tarif de l’income tax proprement dite n’était pas alors directement progressif (il ne l’était qu’indirectement du fait des exonérations de base), c’est donc par le jeu de cette surtaxe spéciale que les Anglais introduisirent, pour les revenus supérieurs, une progressivité qu’ils ont d’ailleurs également organisée depuis lors, pour les revenus inférieurs, par une graduation des tarifs. Avec des procédés différents, le but était le même que celui que s’est proposé notre impôt global. Ce que fait la supertax anglaise pour les gros revenus, notre global le fait pour les revenus gros et moyens : il est, comme elle, dans le mécanisme fiscal moderne, un organe de progressivité.


V

Personnalité, progressivité, que valent en eux-mêmes ces deux principes directeurs de notre nouveau système fiscal ? Sont-ils justes ou injustes, bienfaisants ou nocifs ? Ces questions ont soulevé naguère tant et de si vives passions qu’on n’oserait y revenir aujourd’hui, si la guerre n’avait, ici comme ailleurs, changé dans une certaine mesure notre point de vue des choses.