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diviser un jour pour l’application des droits de succession : en attendant, il « pénalise » la famille, qui pourtant mériterait aujourd’hui quelques égards ! On objectera peut-être qu’en pratique plusieurs personnes vivent en famille à meilleur compte qu’elles ne feraient séparément ; mais il est clair que la différence est plus que compensée par la surcharge que font peser sur les familles, par rapport au cas des célibataires, les impôts de consommation. La vérité est que le revenu familial devrait être taxé par têtes de bénéficiaires, après division en autant de revenus individuels qu’il y a d’individus dans la famille : la personnalité de l’impôt exige, en bonne justice, son individualisation[1].

Quant à l’échelle de tarification de notre impôt global, il n’est pas sans intérêt de la rapprocher, pour avoir un terme de comparaison, de celle de l’income tax britannique[2]. Sans doute, dans l’ensemble, celle-ci est placée à un niveau beaucoup plus élevé ; mais il est curieux de constater que, toute proportion gardée, elle avantage beaucoup moins les petits revenus par rapport aux gros. Un revenu de 150 000 francs paie à l’income tax entre trois et quatre fois plus qu’il ne paierait à notre global ; de même un revenu de 500 000 francs. Mais un petit revenu de 3 500 ou de 5 000 francs paiera entre neuf et douze fois plus ; un revenu de 10 000 francs, entre sept et neuf fois ; un revenu de 15 000 francs, entre cinq et huit fois. Le contraste serait moindre si, pour rectifier le parallèle, nous ajoutions à notre impôt global nos cédulaires, mais on sait que plusieurs d’entre ceux-ci comportent eux-mêmes de fortes exonérations au bas de l’échelle. Notre impôt global est ainsi, à voir les choses au vrai, extrêmement dilué à la base ; il ne fait qu’effleurer les petits revenus, comme pour la forme. Son taux effectif, pour un célibataire, ne dépasse pas 1/2 pour 100 jusqu’à 5 000 francs de revenu, 1 pour 100 jusqu’à 9000, et ne s’élève à 2/pour 100 qu’au-delà de 16 000 francs ; la progression se raidit ensuite pour frapper les revenus moyens, les plus productifs, puis s’adoucit et s’amortit. C’est, si l’on veut, un lourd

  1. Des critiques toutes pareilles se font jour actuellement en Angleterre.
  2. Les chiffres ci-dessous sont calculés sur le tarif à 12 et demi pour 100, tel qu’il résultait de la loi du 31 juillet 1917. Le tarif nouvellement voté ne change pour ainsi dire rien aux taux de l’impôt pour les revenus inférieurs à 50 000 francs ; mais les taux au-dessus de « « chiffre sont très fortement haussé : le contraste avec l’income tax n’en est que plus marqué.