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instant s’ils ne vont pas heurter la mine qui doit les engloutir. Parfois, ils perçoivent le bruit sourd des grenades et la vibration de l’eau fouettée par l’explosion dont les volutes se rapprochent de plus en plus. Plus terrible encore est la fin des matelots de sous-marins qui furent pris dans les filets et restèrent là des journées à se débattre, pour périr ensuite étouffés. Et l’angoisse de ceux qui entendirent le grincement de ces dragues de chalutiers qui enserraient leur coque fragile comme dans le supplice du garrot ! À ces heures d’agonie, font-ils leur examen de conscience, et comprennent-ils que cette mort affreuse est une juste représaille de leurs crimes ? Sur la liste publiée par l’Amirauté anglaise et dont nous avons parlé plus haut, nous relevons parmi les noms des morts ceux des commandants de sous-marins Schwieger, Glimpf, Wagenfuhr, Schneider, qui détruisirent la Lusitania, le Sussex, le Belgian-Prinz[1] et l’Arabic. Non, ces pirates ne méritent pas de recevoir l’hommage dû au soldat mort en combattant. Laissons la mer étendre sur leur dépouille son suaire d’oubli et d’algues vertes…


Pouvons-nous prévoir ce que seront dans l’avenir les destructions par rapport aux constructions de sous-marins ? Nous sommes dans le domaine de l’hypothèse pour juger la capacité récupératrice de l’ennemi. Si une coque de sous-marin est facile à monter, autre chose est de mettre des moteurs au point, même en procédant par standardisation, et de subvenir à la consommation de plus en plus considérable de torpilles qu’entraînent les attaques en plongée.

Cependant ce serait un grave danger de sous-estimer l’ennemi. Depuis le début de la guerre il n’a cessé d’accroître le rendement de ses chantiers et la courbe des mises en service de sous-marins s’élève sans cesse. Le chiffre que nous avons donné de 275 sous-marins construits en quatre années dénote une production industrielle remarquable. Nos adversaires soutiendront cet effort : à nous de le neutraliser par une offensive sans cesse plus active et plus heureuse. Il faut enfin nous attendre à

  1. Ce commandant, après avoir sabordé leurs embarcations, fit monter quarante hommes sur le pont du sous-marin et plongea, renouvelant le système de noyade du conventionnel Carrier.