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Holtzendorff, le promoteur de la guerre sous-marine à outrance, le prophète qui avait promis de jeter l’Angleterre à genoux en l’espace de cinq mois, vient d’être relevé de ses fonctions « pour raisons de santé : » cet euphémisme ne saurait tromper personne. Et l’amiral von Cappelle, ministre de la Marine, n’a pas tardé à suivre le chef d’État-major général dans sa retraite.

Ainsi, il suffit de comparer, à dix-huit mois d’intervalle, les extraits de la presse et les déclarations des hommes d’État allemands avec le langage et les réalités d’aujourd’hui, pour se convaincre que le rêve formé par l’Allemagne de réduire l’Entente grâce à la guerre sous-marine, fait place aujourd’hui à une amère désillusion. En vain l’Amirauté germanique cherche, ainsi que l’avoue Persius, à cacher au peuple la vérité, celle-ci finira toujours par être connue. Il y suffirait des avertissements venus du dehors et qui ne manqueront pas au peuple allemand. Un journal suisse germanophile, le National Zeitung écrit nettement : « La guerre sous-marine a été une défaite. »

L’histoire de la piraterie sous-marine tient entre deux chiffres, entre deux dates : en janvier 1917 le tonnage coulé se monte à 409 000 tonnes et suit une progression tellement inquiétante qu’au mois d’avril suivant il s’élève à 893 000 tonnes. À cette époque, pas un Américain n’a franchi l’Atlantique. Au 1er août 1918, le tonnage mensuel détruit est tombé à 275 000 tonnes et plus d’un million d’hommes des États-Unis combattent déjà dans les armées de l’Entente. Un chef de bataillon, neveu du prince de Bülow, fait prisonnier par nos troupes à Villemontoire, parut stupéfait en apprenant qu’il y avait une grande armée américaine en France. Il était convaincu, « comme tout le monde en Allemagne, » a-t-il dit, que les effectifs américains ne dépassaient pas actuellement cinquante mille hommes. Or, s’il est possible que les dirigeants de l’Allemagne fassent admettre comme sincères par leurs sujets les résultats truqués de la campagne sous-marine, il est une chose qu’il leur est devenu difficile de dissimuler après la libération de Saint-Mihiel : c’est la présence des magnifiques divisions américaines sur notre front. Nous pouvons avec quelque vraisemblance escompter l’effet de dépression morale que cette constatation ne manquera pas de provoquer chez nos ennemis.

Les Allemands, dans leurs calculs présomptueux, avaient escompté d’une part le développement des qualités offensives de