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bienfaisance du monde entier. Mais du fait peut-être de l’individualisme calviniste, l’esprit d’action sociale y est plus rare ; le pasteur Appia, qui il y a quinze ans commençait à le prêcher, fut arrêté par la mort, et ce n’est que depuis une date très récente que le renouveau de préoccupations chrétiennes, qui paraît, chez une certaine jeunesse, avoir succédé à la séparation, entraine vers l’action sociale quelques recrues.

Cependant s’est complètement voilé, pour beaucoup de ces âmes, le caractère objectif du don divin, le caractère transcendant de la révélation divine, le caractère historique de l’immolation d’un Dieu, et si, comme il est vraisemblable, l’évolution présente de l’Église nationale de Genève s’accentue, les 74 000 protestants que compte, d’après les récentes statistiques, le canton de Genève, apprendront, peu à peu, à se passer de tout cela.


VII

Mais d’année en année, — c’est le phénomène le plus frappant de la Genève contemporaine, — se multiplient dans Genève les défenseurs de ce patrimoine, les catholiques. Ils étaient dans le canton, d’après la dernière statistique, 86 769. La ville elle-même, la ville de Calvin, comptait plus de « Romains » que de protestants, 32 645 contre 29 093. Parmi ces « Romains, » ceux qui sont citoyens genevois ou naturalisés genevois demeurent encore peu nombreux, si bien qu’il y a, dans le canton, 20 150 électeurs protestants et seulement 10 133 électeurs catholiques. Mais on calcule avec stupeur, dans certains milieux protestants, que si les projets sur la naturalisation obligatoire étaient votés, trente ans suffiraient pour qu’à Genève les fidèles de Rome fussent la majorité électorale.

On ne réfléchit pas d’ailleurs que parmi ces catholiques un certain nombre assurément sont assez détachés de leur Église ; on s’inquiète, on a peur, la peur ne se discute pas.

De nouveau, l’église Notre-Dame leur appartient : la diplomatie de l’abbé Carry sut, en 1912, mener a bonne fin cette restitution ; et, par une coïncidence tragique, il y fit la plus solennelle, la plus douloureuse des entrées ; il y fut apporté dans son cercueil ; la première messe qui fut célébrée dans le temple restitué s’offrit, devant sa dépouille, pour son âme. L’afflux des consciences catholiques fait surgir dans Genève de