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pourvoir ; et les électeurs furent convoqués. L’épreuve montra qu’on ne trouverait même pas à Genève le quorum de catholiques pour accepter de procéder à l’élection d’un prêtre schismatique : une loi nouvelle fut votée le 30 janvier 1875, d’après laquelle aucun quorum ne serait nécessaire pour que les curés et vicaires fussent valablement élus. On vit dans certaines communes catholiques des curés nationaux être désignés par 35 électeurs seulement sur 135 inscrits, 42 sur 165, 17 sur 127, 14 sur 100. Une fois les curés nommés, les maires devaient leur livrer les clés des églises : catholiques romains, les maires refusaient. On les violentait, on enfonçait, dans des expéditions militaires, la porte des sanctuaires. En deux ans et six mois, 32 communes connurent ces incursions de gendarmes dans leurs églises. 18 maires et 14 adjoints furent révoqués. On s’empara de l’église de Compesières, pour faire baptiser un enfant par un prêtre national de Carouge : 3 compagnies d’infanterie, un peloton de cavalerie, 80 gendarmes, furent mobilisés. Tel protestant genevois qui n’eut jamais l’occasion de faire une autre campagne militaire que celle-là n’en parle maintenant qu’avec rage, le rouge au front. On devait, peu à peu, en venir au sacrilège : un jour d’adoration perpétuelle, le conseiller d’Etat Héridier fit envahir l’église de Chêne ; l’ostensoir, qui contenait l’hostie, fut saisi. Quelque temps plus tard, Héridier déclarait dans un discours : « Il y avait une hostie dedans, le bon Dieu en personne ; c’est le curé romain qui a enlevé cette matière et l’a mise dans un essuie-mains. »

L’église Notre-Dame, construite par les catholiques romains, à leurs propres frais, en vertu d’une loi de 1850, fut attribuée en 1875 aux catholiques nationaux, par suite d’opérations électorales qui furent inutilement dénoncées comme une mystification : un coup d’arrosoir, comme l’on disait alors, avait versé dans l’urne, à l’heure opportune, quelques centaines de bulletins favorables aux prétentions des catholiques nationaux.

Posté désormais comme un observateur en dehors de tous les établissements religieux, Hyacinthe Loyson devenait de plus en plus morose. Parmi les prêtres qui arrivaient de France pour occuper les cures confisquées sur l’Eglise romaine, combien n’imitaient Loyson ni par le talent, ni par l’ampleur des rêves, mais seulement par le mariage ! Il était très amer contre eux. Il se plaignait de voir affluer à Genève l’ « écume du clergé