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Américains, accourus des rives du Nouveau Monde pour la défense de la liberté, et donnant, tout de suite, à leur drapeau étoile une place d’honneur parmi les radieux symboles qui annoncent au monde, après la catastrophe infligée à l’humanité par sa volonté perverse, un renouveau de consolation et d’espérance.

The Star Spangled Banner… Tous les échos des cantonnements du front de bataille ont appris à répéter les accords de ce chant qui réveille au cœur des Américains l’image vivante de leur patrie lointaine.

Justement ce soir, devant l’église du village, la musique d’un régiment s’est rassemblée. Les instruments de cuivre et de métal argenté brillent aux derniers rayons du soleil couchant. Les villageois sont venus nombreux à ce concert militaire, aussi nombreux qu’ils peuvent se trouver dans une localité où l’on commence à rentrer, et qui fut naguère évacuée sous la menace des bombardements. Quelques airs d’opéra et même d’opérette, pour commencer. Nos alliés d’Amérique connaissent à merveille le répertoire musical des théâtres parisiens. Ils ne sont pas ennemis d’une joie élégante, ni d’une gaîté de bon aloi. Ensuite, la Marche de Sambre-et-Meuse. Le programme comporte enfin, selon l’usage, la Marseillaise et l’hymne américain. Au moment où retentissent, sous le ciel pur où déjà parait la plus douce étoile, les premières notes de notre chant national, tous les soldats américains présents sur la place se dressent d’un mouvement unanime ; et, sans qu’un ordre soit donné, muets et graves, ils se mettent, tous ensemble, à la position du « garde à vous, » faisant le noble geste du salut militaire, la main au bonnet de police ou au casque, jusqu’à la fin de la Marseillaise qui s’élève, comme un chœur de voix héroïques dans le silence religieux d’un auditoire où toutes les âmes sont unies par le même souvenir et par le même espoir.

Nos soldats font le même geste en l’honneur du drapeau étoile. Et rien n’est plus émouvant que cet échange de saluts chevaleresques et fraternels où s’affirme, dans ce paysage, secoué, de temps en temps, par une canonnade tantôt proche et tantôt lointaine, l’amitié déjà séculaire de la France et de l’Amérique.


GASTON DESCHAMPS.