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de mai dernier, et que les livraisons des mitrailleuses légères browning, au cours du même mois s’élèvent au chiffre de 1 800. Ce rapport ajoute : « Les fusils sont actuellement délivrés en nombre suffisant pour équiper une division d’armée tous les trois jours, et plus d’un million trois cent mille fusils ont été fabriqués et délivrés jusqu’au 1er juin. »

Equipés, outillés, encadrés et comme accompagnés en tous lieux par ce travail puissamment réalisateur, les premiers combattants de l’Amérique sont entrés en liaison avec les troupes françaises, pour la première fois, en 1917. C’était un soir pluvieux d’automne, dans les tranchées d’un secteur de Lorraine. Le ciel nocturne était bas et noir. Trois années de guerre, — et quelle guerre ! — avaient bouleversé le sol humide, détrempé, boueux où s’aventuraient les hardis garçons que le Nouveau Monde envoyait au combat. Une bise froide fouettait au visage ces jeunes hommes dont quelques-uns venaient des rives heureuses du Mississipi ou du Colorado, de la chaude Louisiane ou de la tiède Californie. Pour faire la relève de leurs camarades français, ils marchaient, en longue file, à travers les ténèbres, sous l’ondée, entre les parois suintantes, presque éboulées, des boyaux creusés dans la glèbe argileuse du pays meusien. C’est à l’aube du jour qu’ils ont reçu le baptême du feu et qu’ils ont fait leurs premières armes, victorieusement. Ensuite, ce furent les batailles de Picardie et de Champagne, Cantigny, le bois de Belleau, Château-Thierry, la seconde victoire de la Marne et la reprise de Saint-Mihiel.


IV. — AU CANTONNEMENT

De la grande route qui borde la Marne, et qui s’en va, le long des pentes boisées, entre deux talus de gazon, vers Château-Thierry, un petit chemin se détache, escalade le coteau, parmi les ronces, s’amincit en raidillon, pour grimper presque à pic jusqu’à une petite place où se dresse une vieille église de village, bâtie en style ancien, crépie à la chaux, coiffée d’ardoises. L’ardeur d’une chaude journée d’août a ensoleillé la terre argileuse, les pierres calcaires dont l’aveuglante blancheur, sous l’azur idéal d’un beau ciel d’été, contraste avec la verdure des feuillages frais et l’or fauve des moissons mûres. Les maisons du village, éparses sur la hauteur, dans un rustique décor de