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Il y avait aussi, à l’escadrille La Fayette, un jeune lieutenant, Victor Chapman, qui, l’un des premiers, tomba pour la France. Il savait, lui aussi, mieux que personne, la noblesse de la cause à laquelle il avait sacrifié sa vie, étant le fils d’un écrivain connu, en Amérique et en France, par des ouvrages où sont fixés en termes précis les principes de la justice internationale qui doit régir les relations des peuples policés. Lorsque M. John Jay Chapman apprit la mort de son fils, et sut que le gouvernement français était disposé à faire transporter en Amérique les restes du soldat tombé au champ d’honneur, il répondit à celui qui fut chargé de lui transmettre cette offre amicale : « Non. Il est mort sur le sol qu’il avait voulu défendre… Qu’il repose là-bas, avec ses camarades… » Au regretté Paul Leroy-Beaulieu, qui lui avait envoyé les condoléances de l’Union française des pères et des mères dont les fils sont morts pour la patrie, M. Chapman répondit : « C’est en prenant part aux douleurs de cette guerre que notre pays pourra prendre part aux bénédictions cachées dans cette tragédie. C’est comme un sacrement universel… La générosité sans exemple de la nation française, dont j’ai eu maintes preuves avant et depuis la mort de mon fils, est une force qui pénètre et qui ennoblit. En ce moment, cette force pénètre et ennoblit l’Amérique. »

C’est aussi ce que disait le président de l’Université de Virginie, M. Edwin A. Alderman, rappelant qu’un des meilleurs étudiants de cette Université, James Rogers Mac Connell, « dans un combat aérien où il faisait seul face à trois ennemis, vient de trouver en France une mort héroïque. » De l’Université Harvard nous vint Alan Seeger, engagé volontaire au 2e régiment de la Légion étrangère, soldat et poète. Soldat, il a mérité la croix de guerre avec cette citation : « Jeune légionnaire enthousiaste et énergique, aimant passionnément la France. Engagé volontaire au début des hostilités, a fait preuve, au cours de la campagne, d’un entrain et d’un courage admirables. Glorieusement tombé le 4 juillet 1916. » Poète, il fait songer à Keats et à Shelley, non seulement à cause de la brièveté tragique de son destin achevé par une mort prématurée, mais aussi à cause des dons lyriques évidemment prodigués par la nature à cette jeune âme éprise d’idéale beauté. Alan Seeger était au nombre de ceux qui s’élancèrent à l’assaut des positions fortifiées de Belloy-en-Santerre, le 4 juillet 1916. Un