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ne demande la paix, » une « Saint-Quentinoise, » dont le nom n’est pas révélé, — et pour cause, — répond, le 3 février 1917 :


J’ai été révoltée ! Cela est trop fort ! Tout le monde demande la paix à grands cris. La plus grande partie de la population a dû frémir d’indignation, en lisant la déclaration du sénateur de l’Aisne.


Ainsi la presse aux gages des kommandanturs mène inlassablement la propagande pacifiste dont nous avons pu voir à Paris même les premiers efforts, inspirant ces odieuses publications anonymes, ces tracts louches qu’on essayait de glisser dans la musette du soldat et dont le bon sens populaire a fait heureusement justice. Nous avons vu qu’à Saint-Quentin le journal de Prévost essayait d’exciter la population envahie contre les commerçants. Cet essai de division a été soigneusement poursuivi. Une propagande « parlée » complète la« Gazette régionale, » et nous savons, par des témoignages de rapatries civils, sur quoi elle portait. Les Allemands ont cherché à susciter l’envie, la jalousie et la haine entre habitants d’une même région. En Belgique, ils favorisaient ostensiblement les « envahis » français. Dans les régions françaises d’occupation, après avoir essayé de prouver aux habitants que leur intérêt était de ne pas fuir devant l’invasion, ils ajoutaient maladroitement : « Vos compatriotes qui ont fui devant nous et qui travaillent « en France », ils gagnent de l’argent ! Quand ils reviendront, ils seront riches, et ils prendront votre place ! » Rien n’a été négligé pour aggraver le conflit entre ceux que l’Allemagne avait également ruinés. Mais la raison de cette animosité contre tous les Français qui échappent à la domination de la horde, nous la trouvons dans un article singulier d’un « correspondant » de la Gazette des Ardennes, paru le 12 janvier 1916. Il s’agit des « évacués » que l’Allemagne affamée renvoie en France par la Suisse :


Ces évacués, savez-vous quelle est leur œuvre en France ? Oh ! elle est bien simple ! Ils trompent l’opinion publique ! Ici, ils conviennent que les Allemands sont des hommes comme d’autres, qui font leur devoir pour sauver leur pays (ce n’est que rationnel) mais qui, sortis de là et des opérations nécessitées par les besoins militaires, laissent la population bien tranquille et, qui mieux est, ne manquent jamais de faire tout leur possible pour améliorer la situation actuelle. C’est bien la vérité, je crois ?