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embarrassée, et qui se trouve en contradiction avec la précédente (30 janvier 1916) :


Nous écrivions (dit le rédacteur de la Gazette) que « tous les habitants de la France et de la Belgique occupées savent fort bien que des énormes quantités d’objets et d’ustensiles de cuivre, — réserves amplement suffisantes pour couvrir pendant des années les besoins de l’armée, — rien n’a encore été confisqué par les autorités militaires allemandes. » Cette phrase doit être rectifiée dans le sens que, en dehors de la Belgique et de la région de Charleville, certains ustensiles de cuivre ont, en effet, été réquisitionnés (non pas confisqués). D’après les renseignements que nous avons pris, ces objets ont été, en général, achetés comptant, ou bien, surtout dans le cas où les propriétaires n’étaient pas présents, payés en bons de réquisition délivrés par l’intermédiaire des autorités civiles. Nous tenons à préciser cela, afin d’éviter tout malentendu.


Ici, on saisit sur le vif tous les détours de la cautèle allemande. Les envahisseurs avaient d’abord donné au pillage organisé le nom de « confiscation. » Ils se reprennent ensuite et ne parlent plus que de « réquisitions. » A peine si le droit du vainqueur est souligné au passage pour mieux faire ressortir l’admirable générosité de ces conquérants qui paient ce qu’ils dérobent avec des bons dont on peut dire que ce sont de dérisoires chiffons de papier. Nous sommes un peu loin des magasins de la Société Wertheim, où l’on vendait ouvertement le « butin de guerre… » Mais depuis que ces explications ont été fournies par la Gazette des Ardennes, le champ des « réquisitions » allemandes s’est agrandi. En octobre 1917, celui qui écrit ces lignes a pu constater qu’à Roye, par exemple, tout, absolument, avait été « réquisitionné » dans chaque maison de la malheureuse cité, y compris les portes et les fenêtres ; nous avons vu comment, à Nesle, avaient été déménagées jusqu’aux pédales des pianos, jusqu’aux charnières des couvercles des water-closet, afin, disaient les soldats du Kaiser, « que les officiers français, quand ils reviendraient, ne puissent avoir leurs aises ! » Ils ont également exercé leur sauvage méthode de « réquisition » sur les arbres fruitiers de la Somme et de l’Oise, allant jusqu’à scier, dans les jardins, des arbustes d’ornement, des glycines et des rosiers !

On aurait tort, d’ailleurs, de supposer que nos ennemis nous reconnaissent le droit de récriminer ou de nous plaindre.