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furent que le fait d’une infime minorité… Oui, si les Allemands eurent parfois la main lourde, ce ne fut point parce qu’Allemands, mais parce que conquérants en butte à cette guérilla meurtrière qui, de tout temps et chez tous les peuples, eut le don d’exaspérer le soldat régulier… Certes, des pillages de maisons abandonnées, il y en avait eu, surtout dans les villages, alors que le populaire affolé fuyait précipitamment l’invasion. Mais ces pillages étaient le seul fait des mauvais garnements du pays.


LES VOLS ET LES PILLAGES

Cette dernière invention est un chef-d’œuvre. La Gazette des Ardennes trouve spirituel d’imputer aux malheureux dépouillés par les hordes allemandes la responsabilité des méfaits que celles-ci ont commis. Elle se venge ainsi des épithètes de « Boches » et de « Barbares » qui ont le don de plonger les officiers du Kaiser dans une rage singulière. Un dossier d’actions héroïques et généreuses est constitué pour sauver de l’opprobre les incendiaires de Louvain et de Senlis, les assassins de miss Cavell, les bandits qui, autour de Lille, fusillaient dans les ambulances les aumôniers et les médecins. Le 5 avril 1915, la Gazette des Ardennes éprouve le besoin de justifier les hobereaux et publie une lettre ouverte, adressée à M. Millerand, ministre de la Guerre, par « un Français qui fut professeur des officiers de l’armée allemande. » Ce personnage fictif décerne le certificat suivant aux officiers voleurs, aux tortionnaires de femmes et d’enfants :


Le corps des officiers allemands se recrute parmi les jeunes gens des meilleures familles de l’aristocratie et de la noblesse ; leur éducation soignée, les bons exemples qu’ils ont eus sous les yeux depuis leur tendre enfance, le sentiment du devoir et de l’honneur et le respect de la propriété d’autrui les met (sic) à l’abri de tout soupçon de pillage et de vol.

J’ai eu le loisir de juger, pendant sept années d’enseignement, la mentalité des officiers : courtoisie exquise, parfaite distinction, vif sentiment du devoir et de l’honneur, et surtout haute estime de la valeur de l’armée française et de ses officiers, — voilà en quelques mots les qualités que j’ai remarquées et que je remarque encore chez eux.


Mais les panégyriques intéressés et les mensonges ridicules ne suffisent pas à couvrir la formidable clameur des victimes.