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le jour où l’intérêt supérieur de l’État sera en jeu, et aussitôt qu’elle jugera notre résistance comme une quantité négligeable, nous tenons nos armes aiguisées et notre poudre sèche, et nous comptons un peu plus sur notre petite année, peu nombreuse, mais prête à la lutte, que sur un morceau de papier.

Chers frères ! Votre appel prouve que le malheur de votre pays et la passion ont troublé votre jugement. Vous souffrez vivement et allez au-devant de souffrances plus grandes encore, aussi est-ce avec indulgence que je vous juge.


Ainsi la pacifique Allemagne n’a déclaré la guerre que pour se défendre, et son seul tort est de ne pas avoir sorti plus tôt l’épée du fourreau ! L’envahissement de la Belgique est dans l’ordre, conforme aux règles de la sagesse et de la morale ! Pourquoi les soldats du Kaiser n’auraient-ils pas violé la neutralité de la Belgique, puisque la France devra violer un jour celle de la Suisse ? Et s’ils se trouvent sur ce point devancés par les Allemands, que pourra-t-on reprocher à ceux-ci, puisqu’ils ont offensivement déchaîne une guerre défensive ?

Le G. Q. G. allemand, plus intelligent que le pasteur Holliger, a compris que ce monument de mauvaise foi ne pouvait être utilisé que dans l’hypothèse d’une victoire complète. « Il faut d’abord réussir le mauvais coup, disait à peu près Frédéric II ; ensuite, on trouve toujours quelqu’un pour le justifier. » Or, si par hasard le Kaiser était vaincu ? S’il lui fallait, un jour, devant le tribunal des nations, se dérober à des responsabilités terribles ? Eh bien ! cela même est prévu ; les grandes lignes du plaidoyer sont établies pour sauver Guillaume II de la colère universelle. Le 19 juin 1916, sans qu’aucun événement politique justifiât la publication de cet article, la Gazette des Ardennes disait :


On se plaît à faire de l’Empereur allemand une espèce d’autocrate belliqueux, dans le but évident de mieux pouvoir rendre sa prétendue toute-puissance responsable de tous les maux de la guerre. On affirme que cette catastrophe mondiale est l’œuvre de sa volonté… C’est un infâme mensonge… Quelle est la place de l’Empereur dans l’organisation politique de l’Allemagne ? La Constitution précise ce point dans l’article 11 : La présidence de la Confédération appartient au roi de Prusse, lequel porte le titre « Empereur allemand. » Or, cette Confédération se compose de tous les États allemands représentés par leurs princes et de trois villes libres. L’Empereur n’est pas le « monarque » de cette Confédération ; les autres rois, grand-ducs, etc.