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faite dans les conditions suivantes : le matériel d’imprimerie a été volé à M. Didier, qui l’avait acheté en juillet 1914 pour son journal l’Usine ; le tirage s’est fait moitié sur les rotatives du Réveil du Nord, volées à Lille, puis amenées à Charleville, et moitié sur celles du Petit Ardennais, volées à M. Corneau, le président bien connu de l’Association de la Presse départementale. D’abord logée dans un immeuble appartenant à M. Anciaux, la Gazette ne tardait pas à déménager pour se loger plus grandement dans les locaux du Petit Ardennais, où elle trouvait un complément d’outillage appréciable. Quant aux bureaux de rédaction, ils occupaient, avenue de la Gare, les anciens locaux de la Société Nancéenne. On sait que ce brillant exemple a été suivi par le Kaiser qui n’a pas dédaigné d’utiliser, pour son usage personnel, l’immeuble où M. Corneau avait son domicile particulier. Ainsi l’histoire de la Gazette des Ardennes commence par le vol et le pillage.

Son rédacteur en chef est un nommé Prévost, Français indigne, originaire, selon toutes probabilités, du département de l’Aisne, et qui s’est fait naturaliser Allemand en 1913. Ce misérable a collaboré pendant dix-huit ans à des journaux de l’Est, où il se spécialisait dans les campagnes contre l’Angleterre. Depuis, il a vécu quelque temps à Saint-Quentin. Il s’est vanté d’avoir été plus tard, à Berlin, correspondant de divers journaux parisiens. Une chose demeure hors de doute : un an après sa naturalisation, au mois d’août 1914, il était officiellement attaché au G. Q. G. allemand, dont il avait commencé beaucoup plus tôt par être le plumitif à tout faire. C’est un raté du journalisme, pourvu de cette facilité médiocre qui distingue les aventuriers de presse, et d’un goût marqué pour l’argutie et le sophisme. Le seul sentiment qui paraisse sincère en lui est précisément abominable : c’est la haine de son pays d’origine, haine qu’il n’a jamais cachée dans ses propos, mais qu’il a été parfois contraint, par ordre, de dissimuler dans ses articles. En réalité, il n’est point le véritable rédacteur en chef de la Gazette des Ardennes, où on ne le tolère que parce qu’il écrit le français avec une correction suffisante, condition indispensable pour atteindre le public visé. Mais il a les plus incommodes collaborateurs qui soient, choisis parmi les officiers d’état-major, et un codirecteur qui est un maître, en la personne du nommé Schmilzer qui, avant la guerre, était