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force de perles et les cheveux tortillez et abbatuz avec un ruban de soye pendant arrière, » puis un chapeau de soie cramoisie fait exactement comme ceux de France et orné de plumes rouges et grises.

Les poètes ont chanté cet éblouissement. Ludovic le More fut grandement loué par eux d’avoir mis cet atout dans son jeu. On lit au Vergier d’honneur :


Aveeques luy fist venir sa partie,
Qui de Ferrare fille du duc estait ;
De fin drap d’or en tout ou en partie
De jour en jour volontiers se vestait.
Chaînes, colliers, affiquetz, pierrerie,
Ainsi qu’on dit en ung commun proverbe,
Tant en avait que c’était diablerie.
Brief, mieulx valait le lyen que le gerbe.
Autour du col, bagues, joyaux, carcans,
Et pour son chief de richesse estoffer,
Bordures d’or, devises et brocans.


Il faut croire que cette profusion plut aux « Barbares, » car « le Roi mit galamment la barrette a la main, et, s’avançant vers Béatrice et ses quatre-vingts dames, les baisa toutes successivement en commençant par la duchesse et par la femme du seigneur Galeaz. Ensuite on resta dans une grande salle à se divertir, on y fit danser Mme la Duchesse, et ils s’accommodèrent aussi bien que s’ils avaient déjà passé un an ensemble. »

Telles étaient les toilettes de ce temps : éclatantes, pesantes et bigarrées. Cela tenait de la chasuble, de la cuirasse et de l’Arlequin. Ce qui nous frapperait aujourd’hui, par contraste avec les nôtres, c’est leur variété extrême et les extrêmes libertés qu’on prenait avec la mode. Il arrivait bien quelquefois, en certaines occasions solennelles, que toutes les dames de la Cour fussent en uniforme, comme un pensionnat. C’est ainsi qu’au mariage de Béatrice, à Pavie, en 1491, toutes portaient le costume espagnol, avec le corsage ouvert circulairement et la sbernia jetée par-dessus l’épaule droite. Leurs cheveux lourds de perles pendaient en tresses sur leurs épaules. Lors de la visite à Ferrare, en mai I493, elles avaient toutes, semble-t-il, le même costume de brocart d’or et le même rosaire de perles. Enfin, à la cérémonie solennelle de l’investiture du duché à Ludovic le More, toutes les princesses et leurs dames étaient en