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avant que l’encre fût séchée, deux nouveaux torpillages n’en eussent mis brutalement le sérieux à l’épreuve.

Le gouvernement espagnol ne pouvait ni se déjuger, ni se dérober. Il a donc maintenu qu’il procéderait comme il l’avait fait connaître, avec le respect de l’équité, mais avec le souci de sa dignité, et dans la pleine étendue de sa souveraineté, comme dans la pleine limite de sa neutralité. En même temps, il adressait à la presse l’exhortation d’éviter tout ce qui pouvait agiter l’opinion, travaillée par des alarmistes, dont les terreurs ne sont pas toutes gratuites. Il rappelait les dispositions sévères de son récent décret, comme s’il craignait qu’une mesure catégorique ne provoquât des incidents fâcheux. Mais que craindrait-il ? Les organes qui n’observeraient pas, dans une circonstance dont la gravité ne saurait échapper aux moins avisés, la discipline nationale, ne seraient pas des organes espagnols, mais des organes germaniques de langue espagnole, envers lesquels il n’y aurait point de ménagements à garder, à la minute trouble où l’agent ne se distingue plus du traître. D’autre part, les ayant bien regardés en face, qu’il se regarde lui-même : il n’est pas un ministère ordinaire, bibelot fragile sur l’étagère du Parlement, objet de haut style pour une vitrine de l’Armeria real. Ce n’est pas pour ne rien faire qu’il réunit tous les chefs de partis, de droite et de gauche, trois ou quatre présidents du Conseil sous la présidence de celui d’entre eux qui n’est point le plus populaire, mais qui est le plus qualifié par ses talents et par son caractère. M. Maura, s’il lui faut tenir le coup, n’a qu’à se souvenir de Canovas et de l’affaire des Carolines, en se disant que l’Allemagne du comte Hertling n’est plus, au lendemain des batailles de la Marne, l’Allemagne du prince de Bismarck.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant : RENE DOUMIC.