Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/478

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seraient capables de dire aux Alliés : « C’est entendu, nous ne sommes pas victorieux, mais vous ne l’êtes pas non plus. Soit, nous reconnaissons que nous ne pouvons conclure à notre profit le débat par les armes, mais vous ne le pouvez pas plus que nous. Pour en finir, car nous sommes las, — mais vous l’êtes aussi, — et dans une pensée d’humanité, en vue d’épargner au monde un surcroît de souffrances qui seraient désormais vaines et inutiles, nous voulons être bons princes, et donner cette dernière preuve de la supériorité de l’Allemand sur le reste des mortels qu’étant le plus puissant, il est quand même le plus modéré, le plus raisonnable : nous vous offrons « la paix blanche, » le retour pur et simple au statu quo ante bellum. Pas de victoire, pas de changement; c’est comme si la guerre n’avait pas été. Revenons au printemps de 1914 ; vous l’avez dit, le président Wilson l’a dit : Pas d’annexions, pas de contributions, pas d’indemnité : vous dites, en outre : la Société des nations ; mais nous en sommes, à telles enseignes que vous serez obligés de la conformer plus ou moins sur le modèle de notre ancien Saint-Empire ou de notre ancienne Confédération. Et nous vous adressons ce message de la ligne où nous sommes fermement, inexpugnablement établis. Si vous le recevez mal, venez nous déloger ! »

C’est ce jour-là qu’il faudra que nous mettions sur nos lèvres un triple sceau et sur nos cœurs un triple airain. Cette paix de statu quo, cette paix blanche ne serait point la paix. Elle serait encore une paix allemande. Or, il ne se peut pas, après les cinq années où l’Allemagne a achevé de dévoiler son âme, qu’il y ait une paix allemande. Les plus « pacifistes » des hommes, les mêmes qui regarderaient comme la pire faute et le pire malheur toute condition qui outrepasserait le droit, qui seulement compromettrait la justice, n’en veulent pas ou n’en veulent plus. Le sénateur américain Lodge, dont la situation dans son parti et dans son pays est considérable, a, en des termes d’une netteté parfaite, exprimé l’opinion que la future paix doit revêtir, à l’égard de l’Empire allemand, le caractère d’une sentence, d’un arrêt, souverain, et par conséquent être non discutée, mais dictée, ou plus exactement édictée. Ladite sentence serait assez sévère pour que l’Allemagne fût, sinon à jamais, — mot qu’il est imprudent d’écrire, — mais, du moins, pendant longtemps, hors d’état de recommencer. Elle lui imposerait « la restauration complète de la Belgique, la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France et des terre irredente à l’Italie, la sécurité de la Grèce, l’indépendance de la Serbie, de la Roumanie, de la Pologne et des Slaves, la libération