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nos forces en même temps qu’elle avait foi encore en la valeur représentative de Paris. De notre côté, l’état précaire des ressources en hommes de nos ennemis, au moment où, par l’apport américain, les nôtres s’accroissent formidablement, parait être une des raisons essentielles de sa défaite. Le problème militaire de la victoire décisive se ramène, en un sens, à une question d’effectifs. En effet, le recul de l’adversaire sur toute la ligne de bataille provient, en fin de compte, d’une nécessité stratégique, autant que du besoin de raccourcir son front pour libérer un certain nombre de divisions.

Mais ce serait la plus grave erreur de croire que le dernier mot reste toujours aux gros bataillons. Ni le nombre, ni le matériel n’ont jamais donné la victoire, pas plus en 1918 qu’en 1914. Il y a heureusement, pour l’honneur des armes et de l’art militaire, un élément moral, une « partie divine » de la guerre, qui échappe aux calculs et aux prévisions. On pourra dire un jour, et l’Histoire en restera stupéfaite, avec quels « effectifs » ont été remportés nos succès des dernières semaines. Nous sommes délivrés aujourd’hui du problème de la percée, qui fut longtemps le cauchemar et la condition insoluble de la guerre : ce que les nouvelles méthodes nous permettent, c’est la liberté de penser et d’exécuter, c’est la vie, la manœuvre. Avec cette mobilité, cette souplesse qui succèdent à la rigidité, un chef de génie, — c’est à quoi lui servira le nombre, — saura créer l’événement. Quel sera cet événement ? Sous quelle forme se produira-t-il ? A quel endroit ? A quel moment ? Comment se résoudra cette énigme de l’avenir ? Du moins l’immortelle campagne qui vient de commencer par le coup de théâtre du 18 juillet nous donne-t-elle à cet égard, après tant d’épreuves supportées, la plus radieuse des certitudes.


XX.