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Britanniques, au calme depuis la fin d’avril, se sont renforcés. De la mer à la Marne, le front occidental est trop étroitement gardé pour songer à l’enfoncer à coup sûr. C’est sur la Champagne que Ludendorff jette son dévolu.


LE TROISIÈME ACTE. — LE FRIEDENSTURM ET LA VICTOIRE FRANÇAISE

Le plan est des plus larges. Emporter la montagne de Reims, pilier du front français de l’Est, en la prenant à revers à droite et à gauche, puis gagner Châlons et pousser tout droit ensuite. Un large pan du front français s’écroulait, notre aile droite était contrainte d’abandonner l’Argon ne et Verdun. C’était notre armée prise de flanc sur la route de Paris.

Une brèche aussi formidable ouverte dans nos lignes, il n’était pas sûr qu’il nous fut possible de l’aveugler avec nos effectifs déjà bien étirés. En tout cas, le pouvions-nous sans raccourcir notre front et sacrifier un vaste terrain ? Ludendorff sait si bien que l’attaque qu’il prépare est décisive, que, dans ses dernières proclamations aux troupes, il l’appellera le Friedensturm, l’offensive pour la paix.

Jamais la situation n’a été plus critique. A partir du 15 juin, un calme formidable règne sur tout le front. Où Ludendorff attaquera-t-il et quand ? Celui-ci redoublera de précautions pour nous laisser ignorer jusqu’au bout le terrain qu’il a choisi.

Mais le commandement français sait désormais que son adversaire obéit à la nécessité de rechercher la surprise. Sans essayer de préjuger des plans de l’ennemi, sans vouloir, deviner la pensée stratégique qui le mène, il tâchera surtout de se renseigner. Il ne négligera aucun indice. Ses services de renseignements lui mettront en mains, peu à peu, une foule de petits détails qu’il interprétera dans le sens le plus réaliste. Chaque jour le contour de l’attaque se dessine avec plus de précision, notre certitude se fortifie. Des coups de main profonds en Woëvre, en Lorraine, des attaques locales au Nord de l’Aisne, à l’Est de la forêt de Villers-Cotterets, montrent que l’ennemi a aminci son cordon de troupes sur ces points. En revanche, la cote 204 qui, au Nord-Ouest de Château-Thierry, est la clef de cette ville, est sérieusement gardée. L’ennemi tient à sa possession, et pour cause. Diverses tentatives sur elle échouent. Après que nous l’avons prise, l’ennemi lu reprend. De même, la