Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possibilité d’être coupé des Anglais. Paris et la mer, deux objectifs géographiques qui revêtent, dans les conditions présentes, une valeur stratégique de premier ordre ; nul doute que les Allemands les aient pris l’un et l’autre pour but de leur campagne de 1918.

Le premier acte de la bataille visant la mer tendait à créer entre les Anglais et nous une solution de continuité qui nous eût contraints à nous appuyer à l’embouchure de la Somme. C’est une forme de la manœuvre habituelle à l’État-major allemand : le mouvement tournant. On a remarqué, en effet, que l’axe de marche des Allemands, pendant leur marche en avant, se déplaçait de jour en jour vers l’Ouest. Il était naturel, après un premier effort pour élargir la poche vers Noyon, qu’ils cherchassent le vide dans cette direction ; les divisions françaises arrivant de l’Est, c’est vers l’Ouest que se trouvait le point de moindre résistance. Dans cette nouvelle course à la mer, ils espéraient tourner l’ennemi principal sur l’aile qu’il allongeait chaque jour. La manœuvre a continué ainsi jusqu’au 31 mars.

À cette date, le front franco-anglais s’est reformé. L’artillerie a déjà fait son apparition et son rôle augmentera sans cesse, changeant complètement la physionomie de la bataille. L’infanterie allemande qui, jusque-là, menait la lutte, ne peut plus progresser sans le secours du canon.

En somme, la machine offensive montée par les Allemands doit s’arrêter fatalement dès que l’adversaire se ressaisit. Celui-ci se replie en combattant, de manière à ne pas se laisser couper, jusqu’au moment où l’arrivée des réserves lui permet de rétablir la ligne continue et de boucher les trous. Cette expérience montre qu’il faut compter dix jours de recul pendant lesquels l’assaillant peut progresser de 60 kilomètres. À condition toutefois que les troupes qui s’opposent à l’avance soient décidées à l’enrayer coûte que coûte : sans quoi, ce pourrait être la déroute. Le progrès de la méthode en tout cas est indéniable. Les, précédentes offensives lancées sur le front occidental avaient atteint une avance limite de 10 à 15 kilomètres. Celle-ci possède un rayon d’action quatre fois plus grand, — en l’espèce, il est vrai, insuffisant pour atteindre la mer, à peine suffisant pour mettre sous le feu du canon la voie ferrée de Clermont-Amiens, artère principale de nos communications avec le front britannique.

Mais ce que l’offensive, dans tout son élan, n’a pu obtenir,