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Bien que les canaux puissent, comme l’ont fait les chemins de fer, apprendre à traverser les montagnes, les conditions topographiques amènent ici une sujétion d’autant plus étroite qu’il s’agit uniquement de réduire des frais : un gain de temps pouvant être estimé en argent pour en tenir compte. L’Allemagne du Nord était beaucoup plus favorablement disposée par la nature pour la navigation fluviale que ne l’est la France, et, dans celle-ci, ce n’est pas par un effet de la volonté humaine que la navigation intérieure se réduit presque à rien dans le compartiment Sud-Ouest, limité au Nord et à l’Est par la Loire, le Cher et le Rhône, comme dans le compartiment Sud-Est, enfermé par le Rhône, la Saône et le Doubs ; tandis que le réseau devient de plus en plus serré à mesure qu’on se rapproche de la Belgique et de l’Allemagne. Le Plateau Central vient opposer sa masse compacte aux communications par eau, comme aux relations rapides par voies ferrées. Quant à nos grands fleuves, la Seine seule est, malgré ses sinuosités, largement utilisable jusqu’à Paris ; mais le Rhône reste un torrent coupé de rapides et la Loire un lit de sable. Néanmoins, sans vouloir forcer la nature, ni créer par système des canaux, sur lesquels le prix de revient final serait supérieur à celui d’une voie ferrée déjà existante, il est possible d’utiliser mieux nos fleuves, et certaines communications nouvelles par canaux présenteraient des avantages indéniables. Les programmes de Freycinet et Baudin, restés inexécutés, formulent des désirs qui, pour la plupart, n’ont pas perdu leur valeur avec le temps, et l’on peut sans doute y ajouter certains projets récents.

L’usage plus complet de nos voies d’eau s’est imposé pendant la guerre comme un moyen de remédier à notre manque de wagons. La navigation intérieure gardera le même intérêt, par la même raison, dans l’après-guerre immédiate, et, pour un avenir un peu plus lointain, il faut y voir une possibilité de faciliter les arrivages de charbon, de métaux, d’engrais, de coton, de laine, etc. les départs de minerais, de fer ou d’acier, la circulation intérieure des produits agricoles ou fabriqués.

On estimait, en 1913, notre réseau de navigation intérieure à 11 445 kilomètres, dont 6 563 pour les rivières et 4 882 pour les canaux. Cette même année, on a transporté par eau 5 milliards de tonnes kilométriques (soit 42 millions de tonnes à toute distance), partagées à peu près par moitié entre les canaux et