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Sud-Nord, lui fait un formidable fossé. L’ensemble forme un terrain défensif incomparable ; fortifié, comme il l’était, par le génie militaire français, il apparut aux Allemands inexpugnable : il fut le pivot de la résistance française.

Un deuxième secteur va de Sedan à Maubeuge ; ici, au contraire, toutes les portes sont ouvertes : les rivières, les vallées, les routes convergent vers Paris. L’Oise, l’Aisne, la Marne courent vers la capitale : on dirait que le bassin Nord de la Seine vient s’appuyer sur le territoire belge pour faire un pont à l’envahisseur.

Dans le troisième secteur, celui des bassins côtiers, les rivières reprennent, en général, la direction Sud-Nord. La Sambre, l’Escaut, la Somme et leurs affluents seraient à peine des obstacles pour des armées venant de Belgique, mais ni leur importance, ni leur direction générale n’aident à la défense du pays ; l’ennemi qui remonte leur cours marche encore vers Paris.

Le plan allemand s’établit sur ces données géographiques : renonçant à attaquer de front notre puissante défense de l’Est, il n’a d’autre objet que de la tourner ; en raison du nombre de ses troupes et de la masse inouïe de ses artilleries et de ses convois, l’ennemi recherche les chemins larges, nombreux et faciles ; et c’est pourquoi il lance ses armées par tous les points accessibles, pour les réunir seulement, selon le précepte de Moltke, au moment de la bataille. C’est la manœuvre de Schlieffen.

Elle s’adaptait ainsi qu’il suit à la conformation des trois secteurs : l’un des groupes d’armées essaiera de tourner par le Sud-Est, c’est-à-dire par la Trouée de Charmes, le grand obstacle de l’Est ; un autre traversera la Belgique par le Nord de la Meuse pour atteindre le secteur côtier et les vallées de la Sambre, de l’Escaut, de la Somme, en vue de tourner l’obstacle par l’Ouest ; un autre, enfin, chargé de l’attaque centrale, cherchera le joint où la ligne de la Meuse, s’enfonçant en Belgique, laisse une entrée en France par Reims. Il essaiera de se glisser par cette étroite ouverture entre l’Argonne et la forêt des Ardennes.

La tenaille de gauche au Sud des Vosges, la tenaille de droite au Nord de l’Ardenne, la pointe centrale, au Nord de l’Argonne, s’ébranleront d’un même mouvement afin d’arriver