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clientèle. Ceux qui se sont laissé distancer ne peuvent plus reprendre leur rang.

En France, nous avons eu le tort d’opérer par crédits annuels insuffisants et tardifs et de les disséminer afin de satisfaire tous les électeurs. Nous avons gardé, en même temps, le désir de construire pour l’éternité, c’est-à-dire lentement et dispendieusement. Enfin, on a trop souvent prétendu, chez nous, que l’irrégularité du tonnage à manipuler ne permettait pas les grandes installations mécaniques modernes. Il suffit, pour comprendre notre infériorité, de comparer les dépenses faites dans quelques grands ports étrangers avec les nôtres. A Hambourg, on atteignait déjà près de 500 millions en 1910 : à Anvers, 260 ; à Brème, 200 ; à Newcastle, 180, etc. A New-York, la municipalité affecte annuellement 57 millions au port, sans parler des installations payées par les entreprises privées. En regard, Marseille n’a dépensé, entretien déduit, dans une période comparable, que 66 millions et le Havre 122. Ce qui ne nous a pourtant pas empêchés, au total, de consacrer plus d’un milliard à nos ports depuis 1837.

Cependant, la guerre a amené, en France, un trafic maritime très supérieur à celui qui existait en paix : supérieur aussi probablement à celui que comportera l’après-guerre. Dès 1917, nos ports de la Manche et de l’Atlantique ont doublé leurs importations de 1913. Celles-ci ont atteint 51,5 millions de tonnes en 1916 ; on en est à 75 millions et on s’organise pour 120. Tout en suspendant parfois l’exécution de grands travaux projetés, la guerre a provoqué des installations rapides et déterminé un mouvement d’idées favorable aux initiatives futures. On trouvera, je crois, quelque intérêt à passer brièvement en revue les principales modifications réalisées, dont quelques-unes, malheureusement, correspondant à des conditions de trafic exceptionnelles, perdront leurs avantagés avec leurs causes. Faisons-le en suivant la longueur de nos côtes.

Le Havre s’accroît toujours et reste toujours à l’étroit. Son défaut, du temps normal (que l’on retrouve pour tous nos ports français), le manque d’exportations formant fret de retour, s’est beaucoup accru depuis la guerre, mais le développement des importations a amené, en 1916 et 1917, la crise d’engorgement que l’on connaît. Ce port, qui importait 2 750 000 tonnes en 1913, en a reçu 4,5 millions en 1915 et près de 6 en 1916. La