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PORTS DE COMMERCE

Nos ports suscitaient, avant la guerre, des observations analogues à celles qu’imposait l’état de notre flotte marchande. Là aussi, nous nous étions laissé distancer et pour des raisons semblables. Les modifications apportées par la guerre sont ici bien plus en notre faveur que dans le cas précédent et noire situation dans l’avenir sera certainement moins critique. Le régime d’autonomie dans lequel on parait enfin disposé à entrer est à lui seul le meilleur remède. Nous aurons néanmoins à signaler des modifications réclamées par tous les hommes compétents et dont la première est peut-être l’élimination d’un certain esprit timide et trop amoureux du définitif, qui nous a amenés à rester toujours en retard d’une étape sur le progrès.

Tout le problème des ports est dominé par la nécessité de gagner du temps sur le stationnement des navires et par l’obligation de s’adapter aux dimensions très rapidement croissantes que provoque, pour les cargo-boats comme pour les paquebots, le désir de réduire les frais. Il faut qu’un port moderne soit accessible aisément à toute heure, se prête à un accostage facile et à une manutention rapide et soit muni de moyens de réparation. La promptitude des manœuvres prend une importance qu’on ne soupçonne pas toujours. Ainsi, les droits de surestarie ou surfret atteignent aujourd’hui fréquemment 500 ou même 1 000 francs par heure de retard. On estime que, dans la seule année 1915, nous avons payé de ce chef inutilement 725 millions et, si élevés que soient ces chiffres, les armateurs, qui préfèrent voir leurs navires en route, sont amenés à éviter les ports où ces retards se produisent. Quant aux dimensions, il suffit de remarquer qu’en 1838, le Great Western jaugeait 1 340 tonnes ; en 1907, le Lusitania 32 000 tonnes, tandis qu’on est à 60 000. On doit compter actuellement sur des paquebots de 300 mètres calant 12 mètres. De même, l’Allemagne vient de lancer des cargos de 18 000 tonnes. Devant ces exigences croissantes pour l’outillage et cette progression pour le tirant d’eau, il se produit, comme dans toute grosse industrie, une sorte de cercle vicieux. Les ports déjà puissants par leur situation financière sont les seuls à pouvoir effectuer les dépenses, qui, à leur tour, drainent de plus en plus la