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la paix, mais avec une clause qui lui permet de laisser l’armateur pendant trois ans dans l’incertitude et de se borner à lui rembourser le navire en profitant d’un moment où les cours seront en baisse. En fait, étant donnée la concurrence des constructions nécessaires pour la guerre, on est resté à peu près dans le domaine de la théorie, et M. Bouisson, commissaire aux Transports maritimes, a dû se borner à faire espérer pour l’avenir un chiffre plus ambitieux que probable de constructions nouvelles.

Le résultat est aisé à concevoir. A la veille de la guerre, nous payions 415 millions par an de tribut aux marines étrangères. Dans les trois années de guerre 1915-1917, c’est environ 7 milliards que le fret nous a coûté. Actuellement, sur le tonnage dont nous disposons, il entre 4 pour 100 de navires français contre 40 pour 100 d’anglais et 20 pour 100 de neutres. Quand, à la fin de la guerre, alliés et neutres auront d’autres besoins à servir, nous serons entièrement démunis, ou réduits à la mendicité… si la guerre n’a pas duré assez longtemps pour que les constructions étrangères aient atteint des proportions gigantesques.

Sans doute, nous nous heurtons actuellement aux difficultés connues pour la main-d’œuvre et les matières premières ; mais la crise qui se précipite n’est pas nouvelle et, en temps de paix, la France, avec son étendue de côtes et son domaine colonial, avec ses minerais de fer qui peuvent lui fournir de l’acier à bon compte, aurait dû pouvoir soutenir sa marine marchande, quoiqu’il lui manque assurément du tonnage à l’exportation. En temps de guerre, il n’est pas douteux que la manière dont ont été pratiquées les réquisitions a précipité notre paralysie.

Pour terminer, il me suffira de reproduire deux vœux récemment émis par le Comité des arts et manufactures, qui laissent de côté la question des constructions. On a demandé qu’une entente entre les pays alliés assure dès maintenant : 1° la continuation des accords pris pour le fret d’importation des matières premières jusqu’à ce que les initiatives privées puissent prendre leur libre cours ; 2° en ce qui concerne le fret pour l’exportation de nos produits manufacturés, que les compagnies de navigation alliées fassent escale dans nos-ports jusqu’à ce que nos propres services maritimes soient établis.