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de vivre au jour le jour. On récriminait souvent avant la guerre contre le délabrement de notre flotte marchande, le mauvais outillage de nos ports, l’encombrement de nos voies ferrées, l’imperfection de notre réseau fluvial. On s’en plaignait même quelquefois très vivement quand il se produisait une crise amenée par le moindre incident exceptionnel, tel qu’une inondation ou une grève et même par un phénomène périodique comme la récolte des pommes normandes. Mais les réclamations et les projets d’amélioration restaient éphémères comme la cause qui les avait directement provoqués. Il a fallu la prolongation de la guerre pour attirer l’attention avec continuité et persistance sur un mal préexistant et pour susciter peut-être des velléités un peu plus durables de travailler à le guérir.

La guerre a mis des besoins accrus aux prises avec des moyens diminués. Il en sera de même dans le monde entier pendant l’après-guerre. En ce qui concerne plus particulièrement notre pays, nous savons donc d’avance quelle gêne nous éprouverons pour nos transports et dans quelle mesure nous pouvons espérer y remédier par de simples moyens de fortune. La démobilisation équivaudra, avec plus de lenteur, à la mobilisation, le retour des réfugiés à leur départ. Au lieu de canons et d’obus, les trains amèneront des matières premières ou des produits fabriqués. La vie normale ne reprendra pas soudain comme une floraison de printemps sous le soleil, mais par phases progressives. On peut donc, si on le veut, dire qu’il ne se présentera pas de problème nouveau.

Beaucoup d’optimistes seraient disposés à en conclure qu’il suffira d’employer des artifices analogues à ceux qui nous ont servi depuis quatre ans et de supporter passagèrement une gêne semblable pour se tirer d’affaire sans aucun changement important. « Jamais, nous disent-ils, nous n’aurons à réaliser, dans l’après-guerre, des tours de force analogues à ceux qui ont été exécutés à divers moments de la guerre et qu’à peine a soupçonnés le public. Puisqu’on a pu se tirer d’affaire jusqu’ici, il suffira de continuer. » Ils ajoutent même que la mentalité de pauvres et de convalescents, à laquelle nous devons nous façonner, sera très utilement encouragée par certaines difficultés de circulation, qui nous accoutumeront à être patients et à éviter les mouvements inutiles. Ce raisonnement n’est pas sans portée et on a le droit de penser que le régime