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fassent pas un plus fréquent usage. Un étroit palier au sommet des marches, — et l’on se trouve dans une chambrette carrée surmontée d’une sorte de coupole à quadruple arête que termine une lanterne octogone. C’est bien le boudoir pieux qu’on attendait sur la foi de ce mot galant de camaril : l’oratoire d’une grande dame qui est venue faire retraite à la campagne. Ainsi du moins l’a compris le goût toujours un peu frivole de ce XVIIIe siècle qui a présidé à la décoration de ces aimables lambris. Ce ne sont que coquilles et médaillons, torsades, volutes et guirlandes. Le parquet ciré dessine une étoile en son milieu, les boiseries sont peintes de couleurs éclatantes. Malheureusement, ces boiseries ont été barbouillées, au cours du dernier siècle, par un badigeonneur qui a effacé les délicates compositions de ses prédécesseurs sous de gros bouquets de roses rouges et de coquelicots, » comme on voit en Suisse ou au bord des lacs italiens, dans de vieilles villas romantiques.

Aux quatre angles s’étalent des coquilles énormes et dorées. Dorés aussi les reliefs ornementaux des portes, dont les chambranles sont encadrés de feuillages aux tiges flexueuses. Enfin, les médaillons d’un rococo flamboyant, qui couronnent chacune des deux portes, étalent, dans une bordure d’or, de jolis bas-reliefs polychromes traités par Sanyer, le sculpteur de Prades, avec beaucoup de mouvement et de fantaisie : la Présentation au Temple, la Fuite en Égypte, où l’on remarque tout de suite le geste peu classique d’un saint Joseph remplissant un gobelet à un tuyau qui émerge du rocher.

Sous les coquilles des encoignures, occupant chacun leur piédestal, se démènent quatre grands diables d’anges, qui ont l’air de laquais de maison princière, avec leurs lèvres bien rasées, leur teint « de bisques nourri, » leurs yeux à fleur de tête, les-fossettes roses de leurs genoux et de leurs bras dodus. Tous quatre sont musiciens. Sans doute, on les a engagés exprès pour divertir la maîtresse du logis en lui jouant ses morceaux de prédilection. Le premier tient un violon, le second un violoncelle, le troisième une flûte, et, quant au dernier, il embouche un instrument bizarre qui ressemble fort à un hautbois. Le plus étonnant, ce sont peut-être leurs robes, — des robes dorées, — aux doublures de soie, émaillées de fleurettes comme un corsage à la Pompadour ou comme le justaucorps