Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On pense que Mérimée reçut la nouvelle de cette condamnation avec quelque amertume ; d’autant qu’elle « lui fut signifiée dans une cérémonie publique « devant la fleur de la canaille et trois imbéciles en robe noire, raides comme des piquets, et persuadés qu’ils sont quelque chose[1]. » Voilà ses juges jugés !

Le soir même, le mercredi, il s’excuse auprès de F. Buloz.


« Mercredi soir[2].
« Mon cher monsieur Buloz,

« Je n’ai pas besoin de vous dire combien je suis mortifié de tout le tracas que cette malheureuse affaire vous a coûtée. Vous allégeriez un peu mes remords en me permettant de prendre votre amende à mon compte. C’est presque un service que je vous demande, et je suis assez malheureux de vous avoir mis dans d’autres embarras, dont je vous demande très humblement pardon.

« P. Mérimée. »


Mérimée propose de prendre à son compte l’amende de la Revue, les Lagrenée offrent de prendre au leur celle de Mérimée, et Libri veut se charger des deux ! C’est un assaut de dévouement généreux. Mais Mérimée décline l’offre des Lagrenée.

Libri, de Londres, dès qu’il connaît la condamnation, écrit de son côté impétueusement[3].


« Mon cher Monsieur,

« J’apprends par M… Collig le triste résultat de l’audience d’hier, et quoique je souffre horriblement d’une fluxion de dents, je veux vous écrire un mot, pour vous dire toute la part que je prends à ce déplorable jugement. Je ne sais comment exprimer mes sentiments à M. Mérimée, qui est si rudement frappé, et d’une manière qui ne me permet pas de prendre pour mon compte les conséquences les plus désagréables de ce jugement. C’est là pourtant ce qui me tourmente.

« …Il faut que j’abrège, car en vérité je n’en puis plus, tant je souffre ! Vous comprenez bien que toutes les conséquences pécuniaires de cette affaire me regardent uniquement. M. Barthe m’a écrit que l’article, etc. vous a coûté en tout 1 100 francs. M. Collig m’annonce une amende de 1 000 francs pour M.

  1. Lettres à une inconnue.
  2. Inédite.
  3. Libri à F. Buloz, 27 mai 1852.