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Dans la Belgique donnée à la Hollande par les traités de 1815, ce droit régalien de l’enseignement s’imposa donc. Si l’Université se rouvrit à Louvain, ce fut dépouillée de toute son indépendance, sans autres ressources qu’un budget annuel, sans autre autorité que celle du prince. Autorité d’autant plus lourde aux catholiques belges que leur souverain protestant avait contre eux plus de préjugés. L’inconscience des limites égare les pouvoirs civils quand ils pénètrent dans le domaine religieux ; elle porta le roi Guillaume, imitateur de Joseph II, à dépasser son modèle. Le prince calviniste emprunte à l’empereur d’Autriche le dessein d’enlever aux évêques la formation de leurs prêtres, de détacher d’eux et de rattacher à lui ce clergé pour lequel renaît à Louvain le séminaire général, sous le nom pire de « Séminaire philosophique. » L’issue n’est pas meilleure pour le nouvel envahisseur des consciences au nom de la souveraineté politique. Le silence de Louvain depuis une génération n’a pas fait la Belgique oublieuse de la foi que tant de générations ont tenue pour la force la plus essentielle à leur vie nationale. Ce sont les griefs de cette foi qui, aggravant les mésintelligences de race, provoquent la révolution belge de 1830.

Cette révolution faite par les catholiques leur proposait à résoudre des difficultés inconnues sous l’ancien régime, et contraignait leur attachement toujours le même au catholicisme et à la liberté inséparables, à trouver de nouvelles garanties. Le problème était d’assurer à l’ordre chrétien, dont la sagesse et l’opportunité étaient rendues plus évidentes par tant d’épreuves, ses garanties dans la société transformée par la Révolution. Poser le problème et le résoudre est le dernier et le plus important des services que l’Université de Louvain et les catholiques de Belgique aient rendus à l’avenir.


VI

Dans l’ancienne société, l’ordre chrétien dont l’Eglise était la seule interprète avait pour pouvoir sanctionnateur l’autorité du prince. Cette autorité qui, presque nulle part, ne dépendait des sujets, s’acquittait de sa charge en maintenant, par ses répressions contre les vices, la morale publique et, par le silence imposé aux doutes, la paix des esprits. La fidélité du prince garantissait toutes les autres, mais son infidélité les