Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

A la tombée de la nuit, l’ennemi battait en retraite, partout, poursuivi par nos éléments les plus avancés jusqu’aux portes de Guise. Sauf un incident, au Mont-d’Origny, bientôt réparé, le succès était général et tous les corps engagés y avaient eu leur part.

Les renseignements recueillis pendant la nuit apprenaient que les corps ennemis repassaient en hâte les ponts de l’Oise. Si la Garde et le Xe corps allemand étaient restés sur la rive gauche, ils étaient infailliblement coincés entre la ligne Est-Ouest formée par les 3e, 1er, 10e corps et la ligne Nord-Sud formée par la 4e division de cavalerie et la 51e division de réserve, qui tombaient sur le flanc gauche de la Garde, à Voulpaix. L’ennemi se dérobait à temps.

Dans le camp français, le premier sourire de la fortune répand une joie universelle : « On est très fatigué, mais on marche de l’avant ; on a vu reculer les Prussiens, on a le sentiment de la victoire. On est content ! »

Et puis, on compte sur la journée du lendemain !


Journée du 30. — La journée du. 29 se résume en deux mots : échec à gauche, succès à droite. On eut, dans la nuit, la confirmation que le corps de la Garde et le Xe corps actif avaient repassé l’Oise ; on sut aussi qu’après les terribles efforts de la journée du 29, — passage de l’Oise en avant du plateau du Marlois, alternatives du combat à Jonqueuse, Audigny, Sains-Richaumont, Lemé, Haution, Voulpaix, et, finalement, lutte désespérée contre la magistrale offensive de Franchet d’Esperey, — ces corps étaient dans l’impossibilité de soutenir, à eux seuls, le poids d’une nouvelle lutte.

D’autre part, Bülow ne pouvait leur venir en aide. Sa course folle vers l’Ouest avait dévoré tous ses effectifs disponibles. Au dernier moment, avec une témérité inouïe, il avait dégarni absolument sa gauche. En enlevant le Xe corps de réserve et le corps de cavalerie du général de Richthofen, il avait fermé les yeux sur ce qui pouvait arriver de ce côté. Et il n’avait, d’autre part, aucun soutien à attendre de l’armée von Hausen ; car celle-ci était engagée et avait eu à soutenir les rudes combats de La Fosse-à-l’Eau et de Signy-l’Abbaye contre de Langle de Cary et elle était arrêtée à la coupure de l’Aisne.

Si la droite de l’armée française continuait son mouvement