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Constitutionnel, certifie que plusieurs fois Rouget de Liste, en lui racontant la genèse de l’hymne de guerre, assurait que le baron de Dietrieh l’avait engagé à en écrire lui-même les paroles et la musique. Tous les convives s’étaient unis à lui pour lui demander le même chant et, comme l’affirme de La Barre, « vers une heure du matin, après avoir sablé nombre de verres de Champagne, Rouget de Lisle rentra chez lui et, trouvant son violon sur son lit, il le prit, et plein de l’idée qu’on lui avait demandée, il racla dessus (sic) en cherchant un motif. Croyant l’avoir trouvé, il fit immédiatement les paroles, le tout dans sa tête, sans le jeter sur le papier, puis se mit au lit. Le lendemain en se levant, vers six heures du matin, il fut assez heureux pour se ressouvenir de tout. Il écrivit musique et paroles et se rendit tout de suite chez M. de Dietrich. » Masclet rectifie et précise ainsi le fait : « Le lendemain, à sept heures du matin, Rouget de Lisle était chez moi : La proposition de Dietrich, me dit-il, m’a empêché de dormir cette nuit. Je l’ai employée à une ébauche de son Chant de guerre, même à le mettre en musique. Lis et dis-moi ce que tu en penses. Je te le chanterai ensuite. » « Je lus avec admiration, ajoute Masclet, et j’entendis avec enthousiasme le chant de guerre, tel qu’il existe aujourd’hui, à l’exception des deux vers suivants de la deuxième strophe :


Et que les trônes des tyrans
Croulent au bruit de notre gloire !


« Il y a un peu de Brébeuf dans ces vers, dis-je à Rouget de Lisle. Nous pouvons nous en fier aux trônes constitutionnels. C’est par eux que doivent crouler les trônes des tyrans.

« Et les deux vers furent remplacés par ceux-ci :


Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire ! »


Il convient de rappeler ici que le club de l’Auditoire, dont Rouget de Lisle était membre, avait quelque temps auparavant envoyé une adresse aux citoyens de Strasbourg qui commençait ainsi :


Aux armes, citoyens-…
L’étendard de la guerre est déployé…
Le signal est donné…
Aux armes !… Il faut combattre, vaincre ou mourir…