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injustices, des outrages et des violences, il obéissait à ses convictions et à ses devoirs. La Loi, le Droit, la Justice incarnés dans la Patrie, tel était le but auquel visaient tous ses efforts et vers lequel se portaient irrésistiblement ses regards. Il avait cru devoir écrire, le 15 octobre, à l’Assemblée une lettre où il protestait de son respect pour ses décrets et de son zèle à les faire appliquer.

Un premier incident lui créa un ennemi farouche, le greffier de la mairie de Haguenau, Westermann. Cet individu avait suscité contre la nouvelle municipalité une agitation injuste, car elle avait été élue pour remplacer une municipalité dont l’administration avait été à bon droit incriminée comme irrégulière. Dietrich avait été choisi pour arbitre et avait donné raison à la nouvelle magistrature qui, en la personne de ses notables, le remercia d’avoir justement rétabli le calme et l’harmonie dans la ville, et lui donna même comme au Roi le titre flatteur de« Restaurateur de la Liberté. » Westermann, qui avait suscité des désordres publics, fut arrêté, envoyé à Paris, puis acquitté et renvoyé à Strasbourg. Il conserva contre le maire une rancune qui, en raison de ses relations avec le parti révolutionnaire, devait nécessairement avoir des suites funestes.

Dietrich eut à réprimer ensuite d’autres désordres causés par des factieux contre la nouvelle municipalité de Schlestadt. Or, dans des jours troublés, celui qui veut maintenir l’ordre, s’expose naturellement à se créer de redoutables inimitiés. Mais le maire de Strasbourg était par nature trop intrépide pour s’en préoccuper. Il allait au-devant des plus grandes difficultés, le cœur fort et le front haut.

Les menées et intrigues du cardinal de Rohan, le trop fameux cardinal du Collier, réfugié à Ettenheim et entouré d’émigrés bruyants, les vives protestations des princes allemands dépossédés par l’Assemblée Constituante, les réclamations des Juifs qui voulaient être considérés comme citoyens français, les incessantes récriminations des prêtres catholiques menacés dans leurs droits et dans la pratique du culte, la faute impardonnable de l’obligation du serment à la Constitution civile du clergé, les plaintes du Commerce gêné dans ses affaires, la rébellion de certains régiments contre leurs officiers, toute cette série de troubles et de désordres était pour le maire de Strasbourg une cause cruelle d’embarras.