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proclamation de la liberté polonaise. Finlande, Courlande, Livonie, Esthonie, Lithuanie, Oukraine, et Pologne, vassaux militaires, cours de caserne allemande. Le premier article de leur future constitution est la conscription au profit de l’Empire. L’Allemagne donne à ces peuples un semblant de vie afin qu’ils se fassent tuer pour elle. Le duc d’Urach, le duc Adolphe de Mecklembourg, l’archiduc Charles-Etienne, s’ils étaient rois, ne seraient que des colonels à la suite. Ils prendraient rang dans l’armée allemande, armée unique, à organisation, à instruction, à hiérarchie unique, et toute prussienne, sous le « Suprême seigneur de guerre. » En Finlande, l’emprise est même plus directe : l’Empereur vient de préposer à l’armée finlandaise un commandant en chef et un chef d’état-major allemands. A la Finlande, à la Lithuanie, à la Pologne, il entend imposer ou ne consent qu’à donner un roi de sa façon. Il passerait le reste à sa ceinture, sous l’espèce de grands-duchés. S’il y réussissait, quelle que fût l’étiquette, il pourrait y avoir nominalement des royaumes du Nord : il n’y aurait en réalité qu’un «comte du Nord, » qui serait le roi de Prusse.

Mais, par derrière, il y a la Russie, et la Russie, c’est le mystère. C’est le puits au bord duquel, jouant les destinées du monde, toutes les nations sont penchées. D’Arkhangel, les Anglo-Français ; de Vladivostok et de Kharbine, les Japonais et les Américains; de Samara, d’Omsk, d’Irkoutsk, de Transbaïkalie, les Tchèques et Tchéco-Slovaques; des rives de la Caspienne, à travers la Perse, à travers l’Afghanistan et le Turkestan, les Britanniques, tendent la corde, qui permettrait de remonter à la lumière. Dans le fond se tordent et, nous le souhaitons, agonisent les nids de reptiles que des Hintze et des Milbach avaient savamment cultivés. Nous avons appris coup sur coup que Lénine-Oulianoff, Trotsky-Bronstein ou Braunstein et Zinovieff-Apfelhaum avaient formé un triumvirat, puis qu’ils s’étaient enfuis, peut-être à Cronstadt, peut-être même en Suède, et puis qu’ils ne s’étaient pas enfuis, mais que Lénine et Trotsky étaient en dissentiment sur la conduite à tenir; tandis que Trotsky, plus vaillant ou plus opiniâtre, se rendait sur le front maximaliste, Lénine préparait ses paquets pour s’en aller on ne sait où. Les consuls des puissances alliées avaient été arrêtés, puis relâchés à Moscou, et l’ambassadeur d’Allemagne, qui n’était autre que M. Helfferich, pris dans un cercle de terreur, s’était retiré avec sa légation, vers Pskoff, et de Pskoff vers Berlin, sans regret ni esprit de retour. Par réciprocité, le représentant des bolcheviks auprès de l’Empereur, le