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von Tirpitz. Son successeur au ministère, l’amiral von Benhcke, ne vient que pour présider à la liquidation. L’avenir de l’Allemagne pourrait bien être « sous l’eau, » mais non dans le sens de la parodie que les pangermanistes se plaisaient à faire d’une phrase célèbre de Guillaume II. Cherchera-t-elle, comme on l’annonce, une revanche sur la mer même, et sa flotte sortira-t-elle? Si elle quitte ses abris du canal de Kiel, elle ne trouvera pas la route libre. Sortir n’est rien, le tout sera de rentrer.

La terre aussi, la terre que l’Allemagne croyait conquise, lui ménage quelques déboires. En Occident, l’Europe centrale, après la Piave, a rencontré la Marne. Si seulement elle tenait l’Orient d’une main sûre! Mais, de toutes parts, l’Orient glisse. Il devient évident que les fausses paix, les paix léonines, presque unilatérales, tant on y a traité avec des hommes à soi, de Brest-Litovsk et de Bucarest, n’ont pas été des solutions. On avait endormi, avec quels narcotiques ! le front oriental, et ce n’est pas à dire qu’il se réveille ni que se reconstitue là-bas quelque chose qui soit militairement un front de combat, mais tout s’agite en Orient. L’aigle bicéphale ne peut pas tourner ses deux têtes vers l’Ouest. Sa tâche redevient double, à l’heure où ses forces s’épuisent, où celles de ses adversaires s’augmentent, où les armées impériales sont en proie, sinon à une crise, au moins à de grosses difficultés d’effectifs dont la quantité baisse et la qualité plus encore. Près de 100 000 prisonniers en un mois, et les blessés et les morts, les éclopés et les malades en proportion, y ont creusé un grand vide. Il faut aviser. D’où la visite de l’empereur Charles au Quartier Général allemand, qui n’a sans doute pas été spontanée. Le brillant second a été invité à avancer à l’ordre. Il s’y est présenté, en toute déférence, mais avec son idée.

Le communiqué qui a été publié par les soins de l’agence Wolff est tout ensemble sommaire et vague. « L’entrevue des deux empereurs a démontré de nouveau l’entente intime et le parfait accord qui règnent sur toutes les questions politiques et militaires et a confirmé l’identité de leur interprétation fidèle de l’Alliance. L’entrevue des deux souverains a revêtu le caractère de cordialité correspondant à leurs relations personnelles et aux intérêts de leurs peuples. Les hommes d’État dirigeants et les chefs militaires ont eu des discussions approfondies et fructueuses. » Ce n’est vraisemblablement pas pour l’unique objet d’éprouver de plus près cette amitié délicieuse que Charles Ier, bien que jeune, a fait un si long voyage. Les hommes d’État dirigeants et les chefs militaires, le maréchal