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risque d’y épuiser en rencontres ennemies les multitudes confiées à leur garde. Le plan d’unité que le catholicisme avait conçu se trouvait donc menacé à la fois par une crise religieuse et par une crise politique, toutes deux filles illégitimes, mais authentiques de la Renaissance.


IV

La plus jeune des universités commença d’enseigner quand ces changements se préparaient. Comme si elle eût été suscitée pour les combattre, elle formula dès ses premières leçons la doctrine qui devait rester la sienne : certaine que l’essentiel intérêt du génie humain est de maintenir les chances de sa concorde par l’unité de ses croyances, elle fut pour le pouvoir gardien de cette unité, contre toutes les forces de séparation. Elle prononça la première de ses paroles doctrinales quand siégeait le concile de Bâle. Le grand schisme, en mettant l’incertitude au siège même de l’unité, avait amoindri le Saint-Siège et contraint les Églises nationales à fixer, par un choix qui était de la souveraineté, leur obéissance réclamée par trois papes rivaux. Elles se trouvaient enclines à poursuivre en déclarant, par le suffrage des Églises nationales, l’Église supérieure au Pape, et l’Université de Paris soutenait cette opinion par la voix de ses plus illustres maîtres. Louvain eut la claire vue que si la souveraineté était reconnue à l’Église universelle comme à l’ensemble des Églises nationales, la souveraineté appartiendrait en réalité à la majorité de ces Églises contre la minorité ; que la minorité à son tour aurait prétexte à défendre sa part du pouvoir constituant, chaque Église sa part virile de la souveraineté totale, et que le principe contenait l’autonomie, donc la séparation des Églises. Louvain, avec l’assentiment de la Belgique, fut pour la primauté du Pape, c’est-à-dire de la puissance dans laquelle les Églises particulières ne sont plus distinctes et divisibles et qui éteint leurs divergences locales par l’identité du dogme et de la morale. Fidèle à l’unité contre les indépendances nationales des Églises, Louvain est plus sévère encore aux indisciplines religieuses de la raison individuelle. Dès que Luther parut, l’Université l’eut pour suspect : elle précéda par ses censures celles de Rome et Rome inséra