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à leur culture, plus les vignes augmentaient de prix par leur rareté. Avec une production réglée sur la consommation locale, le phénomène était semblable pour toute marchandise. Avant la présente guerre, avec une consommation universelle sollicitant la production indéfinie des bonnes qualités à bas prix, un phénomène inverse apparaissait : par la division du travail sur le globe, par l’adaptation des cultures et des industries aux climats, au sol, aux forces naturelles et aux conditions économiques, l’humanité réalisait ce prodige : d’acheter meilleur marché tout en vendant plus cher.


II

Pour faire pareille besogne, il fallait un outil que nos devanciers ne possédaient pas : si le lait pur était en 1913 moins coûteux a Paris qu’il y a cinquante ans, tout en rapportant davantage au fermier qui le fournissait, c’est qu’il venait il y a cinq ans aussi vite de 150 kilomètres que de Garches ou de Montfermeil sous le second Empire. Et si la pierre à bâtir de nos grandes villes, bien qu’amenée d’une carrière lointaine, faisait réaliser à la fois un gain nouveau au propriétaire qui l’extrayait et une économie à l’entrepreneur qui l’employait, c’est que le remorqueur ou la locomotive avait fait voyager ce bloc énorme pour quelques francs. Avec le roulage d’autrefois, la pierre eût trop enchéri en route et le lait fût resté en route trop longtemps.

Quel fut donc, dans les sept siècles qui ont précédé le nôtre, le tarif de la « petite vitesse ? » non que je prétende ici dresser, pour le moyen âge et les temps modernes, une nomenclature analogue à celle du copieux in-folio qu’est le livre Chaix de nos Compagnies de chemins de fer. L’œuvre serait assez malaisée et d’ailleurs fastidieuse. Mais, grâce aux prix de transport que j’ai recueillis en assez grand nombre, pour des marchandises variées et s’appliquant à des poids et à des distances précis, il est possible, en traduisant les chiffres anciens en chiffres de 1913, de savoir ce qu’il en coûtait jadis par kilomètre et par tonne de mille kilos, et de comparer au présent un passé jusqu’ici obscur[1].

  1. Voyez les tableaux de pris des moyens de transport dans le tome VI, p. 62], de mon Histoire Économique de ta propriété, des salaires, des denrées et de tous les prix en général depuis 1200 jusqu’à 1800.