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général, nous sommes ici en pays ennemi, car ces Schlangels[1] sont plus à craindre que nos ennemis ! »

« Soyez prudents, conseillait à ses hommes le lieutenant commandant la 1re section de la 10e compagnie du 40e régiment territorial, vous êtes maintenant comme en pays ennemi. Si vous êtes en cantonnement et que les gens veulent vous donner à boire, faites-les boire d’abord… » Surenchérissant encore, le capitaine Müller, de la 7e compagnie du 110e territorial, disait, à Mulhouse, le 17 novembre 1914 : « N’acceptez d’aucun inconnu ni eau, ni nourriture, car tout est généralement empoisonné. Si quelqu’un vous dit : « Bonjour ! » ou « Adieu ! » arrêtez-le immédiatement, car nous sommes des Allemands, ici il faut qu’on parle allemand. » (Nehmt vori niemanden den ihr nicht kennt, weder Wasser noch Nahrung an ; denn alles ist meistens vergiftet. Und wenn jemand « Bonjour » oder « Adieu » sagt, se verhaftet ihn sogleich, denn wir sind hier Deutsche : es wird deutsch gesprochen.)

Et le mot décisif et qui sert d’épigraphe à cette étude, ce mot qui prouve combien les Allemands sentaient que les Alsaciens sont Français, a été prononcé, le 13 août 1914, par le capitaine Fischer, du 40e régiment d’infanterie territoriale, 12e compagnie, en passant le Rhin à Kembs : « Geladen ! Wir sind jetzt in Feindesland ! Chargez vos armes ! Nous sommes maintenant en pays ennemi ! »


ANDRE FRIBOURG.

  1. Surnom donné par les Allemands aux Lorrains, comme Wackes aux Alsaciens.