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Ce qui ajoute encore à l’hostilité des paysans, c’est que les soldats pillent les maisons où ils logent ; l’avoir écrit dans une carte postale, avoir parlé des « actions honteuses des troupes qui emportent tout le mobilier, » cela vaut au laboureur Joseph Strub, de Bernwiller, d’aller en prison[1]. — Pierre Bode l’y suit parce qu’il a dit, en octobre 1916 : « Les sales Schwobs, là-bas, chassent les gens de leurs villages afin de pouvoir tout voler ; alors ils chipent l’argent[2]. » — Théobald Bucher, de Bilsheim, crie à des soldats avec lesquels il se dispute violemment : « Voulez-vous aussi me piller comme vous avez pillé les Belges ? » En prison[3].

Le Conseil extraordinaire de Sarrebruck condamne au maximum de la peine, 1 500 mark d’amende ou cent jours de prison, Christophe C…, âgé de soixante-quinze ans, « l’homme le plus riche de Landrefang, qui refuse de laisser pénétrer les soldats chez lui, et, par son attitude subversive, a encouragé ses voisins à soulever des difficultés lors de la répartition des cantonnements[4]. » — En prison Philippe Müller, vigneron de Turckheim, pour avoir dit : « Les soldats bavarois sont des voleurs ; ils ont volé aux gens de là-bas leurs couvertures de laine et les ont revendues à Turckheim[5]. »

Les prétextes sont nombreux qui permettent aux Allemands de condamner les paysans d’Alsace-Lorraine. Ils oublient de tuer leurs pigeons : en prison[6] ; — ils reçoivent un journal étranger, comme Moritz Weinberg, d’Audun-le-Tiche, condamné par le Conseil de guerre de Thionville : en prison ; — ils propagent de fausses nouvelles, comme Adrien G…..soixante-cinq ans, propriétaire viticulteur à Corny : en prison ; — ils ne livrent pas à la gendarmerie les manifestes jetés par les aviateurs français : en prison, à l’amende, comme Jules Jouin, propriétaire de pépinières à Metz-Plantières[7], comme trois paysans de Bootzheim, condamnés par le Conseil

  1. Conseil de guerre extraordinaire de Mulhouse, 9 juin 1915.
  2. Conseil de guerre extraordinaire de Mulhouse. 3 novembre 1915, d’après l’Oberelsässische Landes Zeitung du 5 novembre.
  3. Schlestadler Tageblatt du 8 octobre 1915.
  4. Conseil de guerre extraordinaire de Strasbourg. 9 juillet 1915.
  5. Strasshurger Post du 14 janvier 1917.
  6. Conseil de guerre extraordinaire de Colmar, 13 septembre 1915, d’après l’Elsässer Tageblatt du 17 septembre.
  7. Conseil de guerre extraordinaire de Metz, 7 septembre 1916, d’après la Metzer Zeitung du 12 septembre.