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la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, auxquelles se joindrait la grande République américaine.

Dans cette ligue protectrice de la paix, les Etats-Unis joueront un rôle aussi considérable que désintéressé, celui de protecteurs de la liberté et de la civilisation, leur propre existence n’ayant jamais été en péril. La jeune Amérique a senti qu’elle ne pouvait plus, comme au siècle passé, séparer ses destinées de celles de la vieille Europe. Une solidarité évidente existe entre elle et les nations, qui veulent empêcher l’humanité de rétrograder de plusieurs siècles sous la poussée du germanisme. L’Atlantique a cessé d’être un abîme entre deux mondes, depuis que les armées américaines le franchissent victorieusement malgré les efforts des submersibles allemands.

La signature de la paix n’inaugurera donc, à mon sentiment, qu’une ère de tranquillité relative. La cessation de l’état de guerre ne sera pas la pacification absolue. Certes, la vie économique, suspendue pendant des années, reprendra son cours avec une énergie plus grande, mais avec des moyens réduits. Les peuples recommenceront à manger à leur faim. Les contrées en ruine perdront peu à peu leur aspect mortuaire. Le commerce retrouvera ses anciennes routes et s’en frayera de différentes. Une période s’ouvrira, où les nations panseront leurs blessures et chercheront, en tâtonnant, à s’orienter vers une nouvelle existence. — Mais les ennemis de la veille resteront séparés par des haines infranchissables, comme par des tranchées impossibles à combler. Ce ne sera encore qu’une paix hésitante, une paix prudemment armée.

Qui songerait en effet à désarmer du jour au lendemain, au souvenir des agressions et des forfaits, dont les Germains ont montré qu’ils étaient capables ? Eux-mêmes, au reste, n’y pensent pas. Voyez le renforcement de leur union avec les Austro-Magyars : il a un caractère militaire aussi bien que politique. Les démocraties devront par conséquent demeurer unies et vigilantes, toujours sur le qui-vive, et remplir pendant tout le temps nécessaire l’office du gendarme, gardien de l’ordre public. Si un désarmement graduel s’impose, sous la pression populaire et la lassitude des charges militaires, que l’exemple en soit donné par les Empires centraux. Que Messieurs les assassins commencent, a dit un humoriste, parlant des crimes dont doit se défendre la société. L’humanité n’a pas moins