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Dans ce brasier périt, avec le testament, gardé là en complet exemplaire, de ce qui avait paru la vérité aux néo-platoniciens, le principal dépôt de littérature ancienne qui, sauvé, eût fait plus proche la Renaissance. Toutefois ces verbes du passé s’entassaient comme les épitaphes superbes qui racontent la vie disparue et couvrent de mots le vide des tombes. Il ne restait plus de curiosité survivante à satisfaire en tant de livres, sinon se rendre compte pourquoi cette civilisation païenne avait si obstinément repoussé le christianisme et était morte de lui. Au contraire, en 1914, à Louvain, a été frappée la vie dans sa plénitude féconde. Là, outre les livres qu’on peut appeler universels et qui ouvrent à tous les grandes largesses de l’esprit humain, la bibliothèque contenait le complet, l’unique témoignage de la part personnelle que l’Université de Louvain avait prise au travail de l’intelligence séculaire. Or, cette Université, dès son origine, avait été la servante la plus fidèle, la plus sure, la plus efficace des doctrines les plus civilisatrices ; elle les avait enseignées sans une défaillance aux générations successives ; elle avait formé non seulement les consciences individuelles, mais une conscience publique ; elle avait été créatrice d’institutions nationales ; elle demeurait, à l’heure où elle a été frappée, une force éducatrice pour la Belgique et pour le monde.


II

La plus vaste des étendues mises à la disposition de l’homme est l’intelligence, et comme les autres domaines elle reçoit du travail sa richesse. L’inculture est partout la stérilité, et toute stérilité diminue de ce que perd l’ignorance. Mais cette ignorance, répandue sur tout, est aussi multiple que doit devenir le savoir et cette diversité est un premier péril. Car chaque science de détail est assez complexe pour retenir toute l’attention de l’homme, et, s’il se laisse emprisonner en elle, il y vit perdu plus qu’instruit. Toutes les sciences ensemble ne sont utiles à l’homme que si elles l’aident à accomplir sa destinée : elles s’ordonnent et se hiérarchisent toutes en une synthèse, où elles lui sont précieuses à proportion qu’elles lui donnent l’intelligence de la vie.

Cette intelligence se dérobe à quiconque borne son regard