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qui est un petit artiste tout à fait. Je suis en train de mendier, hein ? Bonsoir, mon vieux, séchez vos pleurs. Mon projet n’est pas d’empoisonner M. Sainte-Beuve, j’espère que M. Lerminier ne me passera pas sa philosophie au travers du corps, et le repos de la Revue n’est point menacé par mes idées anarchiques et subversives.

« Tout à vous de cœur. « GEORGE[1]. »

En effet la santé de Maurice ne se rétablissait pas. « Mon pauvre Maurice est toujours si souffrant, que je n’ai pu quitter Nohant de tout l’hiver, » écrit-elle ; et encore : « Il faudra pourtant que je m’en aille en Italie, pour tâcher de fortifier Maurice, et j’y passerai le plus de temps possible, si je vois que le climat lui convient… » Mais en août, Maurice est toujours en France avec sa mère, et celle-ci a commencé Spiridion, qu’elle n’achève pas… Mme Buloz lui rappelle doucement Spiridion. Ne le finira-t-elle jamais ? — Alors George Sand :


« Chère Christine,

« Je ferais tout au monde pour vous être agréable, mais l’inspiration (comme disent nos grands hommes littéraires) ne se commande pas. Vous savez que je ne fais pas mes embarras. Mais vraiment je ne peux pas loucher à Spiridion dans ce moment.

« Il faut vingt pages pour le terminer ; le vrai coup de feu, pour écrire les vingt pages comme je les conçois, n’est pas venu.

« Au lieu de cela, j’ai pris tontaine pour un petit drame fantastique dont la moitié est bâclée. J’y travaille avec passion depuis cinq ou six nuits et je puis vous promettre que, dans huit jours au plus tard, vous l’aurez.

« Voulez-vous dès demain la moitié ? Il y a deux feuilles environ, c’est-à-dire de quoi défrayer un numéro de la Revue.

« Buloz pourrait partir et être bien sûr que la fin suivra dans le numéro suivant. « Il y va de mon intérêt comme du sien, il y va de son intérêt comme du mien, que je ne finisse pas Spiridion trop

  1. 4 février 1838. Inédite.