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d’abandon veule et de complaisance criminelle; un système de gouvernement qui n’était que la corruption du gouvernement. Toutes ces pratiques mesquines ou misérables, ces compromissions louches, ces frôlements et ces tutoiements, la dégradation du pouvoir jusqu’à l’oubli de la fonction, voilà, quoiqu’elle fût la France, ce que la France a dû subir. Mais justement, parce qu’elle est la France, voilà ce que ne veut plus revoir cette terre d’héroïsme et de haute tenue, revenue, par quatre ans de sacrifice, à la saine conscience de ce qu’elle est et de ce qu’on lui doit.

Le contraste s’est dégagé, avec un relief saisissant, violent et comme dramatique, dans le décret qui, à l’instant même où la pitoyable politiquaille sortait effondrée de la Cour de justice, conférait au général Foch le bâton de maréchal; coïncidence trop significative pour n’avoir pas été voulue. Terror belli, decus pacis, porte en exergue le bâton de commandement; et le décret commente, en termes d’inscription, eux aussi : « La confiance placée par la République et par tous ses alliés dans le vainqueur des marais de Saint-Gond, dans le chef illustre de l’Yser et de la Somme, a été pleinement justifiée. La dignité de maréchal de France, conférée au général Foch, ne sera d’ailleurs pas seulement une récompense pour les services passés ; elle consacrera, mieux encore, dans l’avenir, l’autorité du grand homme de guerre appelé à conduire les armées de l’Entente à la victoire définitive. » M. Clemenceau a raison d’ajouter que ce décret est rendu « au nom de la France entière. » La France, la France entière : il n’y en a qu’une, qui s’est retrouvée.

Le nouveau maréchal ne lui aura pas demandé un long crédit. L’opération que tout faisait pressentir aux environs d’Amiens, et que l’armée britannique exécute, soutenue par notre première armée, a débuté très brillamment. L’ennemi a été si désemparé qu’un de ses généraux a été cueilli dans son lit. S’il n’est pas encore perdu, il est déjà aveuglé. Il y a quelque chose de changé, — le destin lui-même est changé, — depuis que nous avons repris, avec l’initiative, le mouvement. C’est un autre retour aux vertus françaises. Le maréchal Foch le fait bien voir.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant, RENE DOUMIC.